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à l’Afrique équatoriale, sous la garantie commune des puissances : le bassin du Congo constitue une zone neutre, ouverte à la navigation et au commerce de tous les peuples, en franchise de tous droits d’entrée ou de transit. L’acte de Berlin a étendu les mêmes stipulations au bassin du Niger. — Une dernière clause de cet acte date l’ère nouvelle qui commence pour l’Afrique ; désormais, toute nation qui s’attribuera une parcelle de ce continent sera tenue de notifier son acquisition à l’aréopage européen. L’Afrique cesse d’être une terra incognita abandonnée aux fantaisies du premier occupant ; elle devient un acquêt du patrimoine commun, soumis au contrôle de toute la famille. — Le 1er  août de la même année 1885, à la suite de conventions particulières avec plusieurs puissances, le roi Léopold notifiait à tous les cabinets le vote des chambres belges, qui l’autorisait à prendre le titre de souverain de l’état indépendant du Congo. L’union entre cet état et la Belgique devait être exclusivement personnelle. Le caractère transitoire de cette restriction apparut très vite ; les chambres ayant consenti des sacrifices pécuniaires pour le Congo, un arrangement intérieur, sanctionné cette année par les puissances garantes, a reconnu à la Belgique un droit de préemption sur le domaine de son roi. Aujourd’hui, pour qui ne s’embarrasse point des subtilités de protocole, l’état du Congo, le Congo belge, comme l’on dit couramment, est une annexe coloniale de Bruxelles ; il participe en Afrique aux obligations et aux privilèges que la qualité d’État neutre comporte en Europe pour sa métropole. La Belgique est sans doute destinée à nous montrer la première comment le poids des intérêts africains va incliner les ressorts de la politique européenne. Selon toutes probabilités, elle deviendra dans l’avenir le satellite de l’énorme empire qu’elle s’est donné ; si cet empire prospère et prend une grande importance, les convoitises qu’il éveillera décideront au prochain siècle le sort de la Flandre et du Brabant. — Nous n’en sommes pas là. Les Belges ont occupé l’étroit couloir par où l’état du Congo prend jour sur l’Atlantique ; ils ont des établissemens réels jusqu’au Stanley-Pool. Au-delà, tout est encore à faire ; le pavillon bleu à l’étoile d’or flotte sur quelques stations précaires ; les agens européens ne s’éloignent pas des rives du fleuve ; Tippou-Tib est le véritable maître du cours supérieur.

La conférence de Berlin était le signe et le résultat de préoccupations toutes nouvelles en Allemagne. En 1884, des négocians de Hambourg et des explorateurs commissionnés par le gouvernement impérial avaient attaqué l’Afrique sur trois points fort distans : en face de Zanzibar, sur la côte orientale ; au nord du fleuve Orange, à Angra-Pequeña, sur l’Atlantique ; enfin dans le golfe de