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« assurer le libre exercice des institutions républicaines, sans jamais se mettre au service d’un parti politique ou d’ambitions personnelles. » Il n’y avait point parmi eux d’officiers supérieurs. C’est du grade de capitaine à celui de major qu’ils se recrutèrent. Le général Campos ne connut cette association que lorsqu’il en fut proclamé le chef, après qu’elle se fut abouchée avec l’Union civique, dont il était membre. Au moment où il fut arrêté, le 19 juillet, plusieurs bataillons, sous la conduite de leurs capitaines, étaient prêts à marcher avec l’insurrection, dont la date avait été fixée au 21. Nous venons de voir que dans le bataillon où il était détenu un seul officier était du complot. Les circonstances le décidèrent à en exposer le but à ses camarades, ils y entrèrent sans hésiter. Tout bon Argentin était alors un conjuré latent. Cela permit de brusquer le dénoûment et d’opérer dès le 26 le soulèvement préparé. Ce jour-là, le général Campos se mit en marche à trois heures du matin à la tête du bataillon où il était prisonnier, laissant la caserne et les deux chefs de corps non affiliés au mouvement, sous la garde de son jeune frère et de quelques civiques chargés de les empêcher de donner l’éveil. Les officiers révolutionnaires avaient stipulé qu’en aucun cas ils ne mettraient la main sur leurs chefs. Le colonel Figueroa, de son côté, s’évadait de la caserne où il était enfermé avec deux officiers du bataillon qui l’occupait. La moitié des corps de ligne formant la garnison de Buenos-Ayres abandonnaient leurs quartiers dans les mêmes conditions et se concentraient sur la place Lavalle, que dominent les vastes bâtimens du Parc-d’Artillerie, principal dépôt d’armes et de munitions du gouvernement : la junta révolutionnaire présidée par le docteur Alem s’y était installée durant la nuit ; c’était une compagnie acquise à la révolution qui y montait la garde. A la même heure, sur tous les vaisseaux de guerre, les jeunes officiers conjurés déposaient à terre les commandans, et l’escadre sortait du port battant pavillon révolutionnaire.

Dès l’aube, arrivèrent des citoyens qui venaient s’enrôler. A peine une compagnie était-elle formée, et les soldats civiques avaient-ils le fusil en main, le sabre-baïonnette et la cartouchière au flanc, sur l’épaule le nœud de rubans rose, blanc et vert qui était le signe distinctif des insurgés, ses chefs en prenaient possession et l’installaient sans désemparer sur les terrasses et dans les maisons des rues voisines. On s’y retranchait aussitôt. Avant qu’il fît jour, la place Lavalle, barricadée aux angles, défendue par des troupes de ligne et une nombreuse artillerie, couverte à distance et en tous sens par les feux plongeans des terrasses crénelées, était une position formidable. Les troupes qui l’attaquèrent en firent l’expérience. Dans la journée du 26 et la matinée du 27,