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peuples disparus, tous les empires détruits ont péri par l’exagération persistante ou la destruction violente de l’un de ces facteurs dont l’ensemble fit leur force et leur durée.

Merveilleusement élastiques et souples, les organes par lesquels ces facteurs agissent et qu’ils mettent en mouvement s’adaptent aux exigences de la vie d’une nation. Souvent la prépondérance passagère de l’un d’eux n’est que la résultante de lois économiques ou sociales, prépondérance destinée à faciliter une évolution nécessaire. Ductiles et résistans comme ces barres de fer qui, se dilatant ou se contractant librement dans un espace scientifiquement calculé, supportent sans se rompre un poids énorme et, par leur jeu prévu, se prêtent aux brusques changemens de la température, ils se plient, eux aussi, aux conditions nouvelles, concentrant sur le point de résistance les forces communes, pour reprendre ensuite leur stabilité première. Ce ne sont là, dans la vie des nations, que des accidens passagers dont il importe de ne pas exagérer l’importance. Ils n’impliquent pas toujours un état de choses durable, ni un déplacement permanent des lois de l’équilibre.

A quatre facteurs principaux, communs à toutes les nations, à leur harmonie ou à leur désaccord, peuvent se ramener les causes en apparence multiples de leur élévation ou de leur chute. Ces quatre facteurs sont : 1° tout d’abord l’homme lui-même, la race, sa force physique, sa valeur intellectuelle et morale ; 2° le nombre, et sa répartition sur l’étendue du territoire ; 3° le sol, son aptitude à nourrir ses habitans, son relief orographique, les facilités qu’il offre pour la circulation intérieure et la défense extérieure ; 4° enfin le climat, dont l’exagération dans un sens ou dans l’autre paralyse ou amollit l’activité de la race.

Par sa force physique, s’exerçant sur le sol, l’homme le met en culture, en tire sa subsistance et le défend ; par sa valeur intellectuelle et morale, il étend son empire sur la nature, élargit son domaine, illustre son nom, accroît son prestige, ses jouissances et ses moyens d’action. Le nombre lui est nécessaire pour se maintenir et durer, pour accroître et perpétuer la race. Dans la couche large et profonde de la population se recrutent les capacités, l’élite intellectuelle qui dirige les masses, les éclairo et les élève. Proportionné à la superficie du territoire, le nombre est l’un des facteurs de la prospérité d’une nation ; trop restreint, il est hors d’état de défendre ce territoire ; excessif, il amène l’appauvrissement général, ou, par l’émigration forcée, la rupture des liens entre l’homme et la patrie. De l’harmonie du sol avec la race qui l’habite résultent la production normale, le travail soutenu,