Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 102.djvu/584

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le cachot de Cüstrin sept semaines auparavant, célébrât la fête des semaines en l’honneur de l’Éternel et se réjouit, en la présence de Dieu, avec son fils et sa fille. Les juges, qui avaient pensé ainsi leur jugement en Dieu et en l’Écriture, ne pouvaient le modifier sur un billet du roi. Le conseil de guerre se réunit une seconde fois, le 31 octobre, et se rallia au suffrage qu’exprima son président en ces termes : a Après avoir encore une fois mûrement pesé et bien réfléchi si la sentence prononcée peut demeurer entière, je me trouve convaincu, dans ma conscience, que ce que j’ai voté selon ma meilleure science et conscience, et selon le solennel jugement déjuge que j’ai prêté, doit demeurer. Le changer serait contre ma conscience, et n’est pas en mon pouvoir. »

Alors, le roi jugea à son tour. Il se déclara satisfait du jugement en ce qui concernait les lieutenans Spnen et Ingersleben ; il pardonna même tout à fait au dernier, en considération du long arrêt qu’il avait subi. « En ce qui concerne le lieutenant Katte et son crime, et la sentence portée par le conseil de guerre, Sa Majesté, il est vrai, n’est pas habituée à aggraver les arrêts des conseils de guerre ; bien plutôt les adoucit-elle d’ordinaire ; mais ce Katte n’est pas seulement un officier au service dans mon armée, il est des gendarmes de la garde. Et si, dans toute l’armée, tous mes officiers doivent m’être fidèles, à plus forte raison doit-il en être ainsi des officiers de régimens comme ceux-là, qui ont ce privilège d’être attachés immédiatement à la très haute personne de Sa Majesté Royale et à sa royale maison… Comme donc ce Katte a comploté une désertion avec le soleil de demain et qu’il a intrigué avec des ministres et envoyés étrangers,.. Sa Majesté ne sait pas quelles mauvaises raisons ont empêché le conseil de guerre de le condamner à mort. De cette façon, Sa Majesté ne pourra plus se fier à aucun officier ni serviteur qui sont aujourd’hui en serment et devoir ; car les choses qui sont arrivées une fois dans le monde peuvent arriver souvent encore, et ceux qui feraient la même chose, prenant prétexte de ce qui s’est passé pour Katte, qui se serait tiré d’affaire si facilement et si bien, croiraient qu’il en adviendrait de même pour eux. Sa Royale Majesté, qui est allée aussi à l’école pendant sa jeunesse, y a appris le dicton latin : Fiat justifia et pereat mundus ! Elle veut donc, de par le droit, que Katte, quoiqu’il ait mérité, conformément aux lois, à cause du crime commis de lèse-majesté, d’être tenaillé avec des pinces ardentes et pendu, soit porté de vie à trépas, en considération de sa famille, par l’épée. En annonçant la sentence à Katte, le conseil lui dira que cela fait de la peine à Sa Majesté, mais qu’il vaut mieux qu’il meure et que la justice ne s’en aille pas du monde ! »

Ordre terrible, puisqu’il a donné la mort, terrible par ce ton