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le cardinal était satisfait de son entrevue avec le surintendant et qu’il désirait expressément qu’entre lui et Colbert, il n’y eût plus de mésintelligence.

De Saint-Jean-de-Luz, Foucquet se rendit à Toulouse où il devait rencontrer Le Tollier, secrétaire d’état de la guerre. Le Tellier, prudent et réservé, n’était pas de ses amis, mais non plus de ses ennemis, au moins déclarés. S’il se méfiait de ses hautes visées, il ne se méfiait pas moins de Colbert, dont il avait deviné l’ambition secrète. Après des éclaircissemens mutuels, les deux ministres parurent contens l’un de l’autre. Tout semblait arrangé au gré du surintendant, lorsque l’arrivée de Herwarth à Toulouse, suivie d’une controverse orageuse en présence du cardinal, rejeta Foucquet dans ses perplexités. Cependant, de retour à Paris son premier soin fut de renouer avec Colbert. Voulant se le rendre favorable, il fit un coup de partie.

L’accord étant sinon conclu, du moins assuré avec l’Espagne, le surintendant se prévalut d’une clause qui lui permettait de résilier les baux des aides et gabelles souscrits pendant la guerre. L’affaire, habilement conduite, eut de plus heureux succès ; les nouveaux fermiers enchérirent sur les anciens de 6 millions de livres, plus un présent de 100,000 écus offert par eux au roi et à la reine mère. Aussitôt, Foucquet entreprit une autre opération qui réussit encore, mais moins aisément, et non sans qu’il y compromît sa popularité. Pendant la guerre, des rentes avaient été aliénées à un taux désavantageux pour l’état ; les particuliers qui dans ces conditions les avaient acquises furent mis en demeure d’opter entre le remboursement du prix d’achat ou la réduction du revenu. Il y eut des clameurs, des assemblées, des essais de mutinerie ; bref, « les réduits » se soumirent, et le résultat de cette sorte de conversion fut d’alléger de deux millions les charges du trésor. C’était bien là un commencement de réforme des finances ; néanmoins, il ne paraissait pas qu’on en sût gré à celui qui en avait pris l’initiative.

Inquiet, sinon découragé, Foucquet essaya de se concilier l’appui de la reine mère Anne d’Autriche, et ce fut dans cette intention qu’il se mit à rédiger un mémoire dont on a la minute, mais non pas la certitude qu’il ait été envoyé à son adresse. Il y a, dans ce morceau, des passages d’un grand intérêt. Après avoir mentionné le succès de la réduction des rentes et les autres projets de réforme qu’il médite : « Quoique M. le cardinal, dit-il, ne parle pas publiquement contre moi, néanmoins, il craint que l’envie ne retombe sur lui… Si je choque bien du monde, on se plaint et Son Éminence me blâme de luy attirer des affaires ; si j’évite le bruit, Son Éminence dit que je veux tout ménager… Je fais ce que je puis pour ramener M. Colbert à moi ; je luy ay rendu des services en