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faire leur cour auprès de luy, luy font de faux rapports. Il m’a escrit une lettre pleine de plaintes qui n’ont aucun fondement légitime et offensent fort l’estime et l’amitié que j’ai pour lui. Je lui témoigne que j’en ai quelque chagrin. »

Cet abbé Foucquet, correspondant de Mazarin, a joué un si triste rôle dans l’histoire du surintendant, qu’il convient de le produire en scène. C’était un de ses frères puînés, du nom de Basile. Il avait de l’esprit, de l’intelligence, de l’activité ; mais il n’avait ni probité, ni loyauté, ni mœurs : il a été le mauvais génie de son frère. C’était une nature d’intrigant, et par cela même il devait plaire à Mazarin ; en effet, il lui plut, et pendant les menées de la Fronde il lui rendit de grands services. En récompense, Mazarin lui confia, sans commission ni titre officiel, la police de Paris. La fonction convenait au personnage. Il s’en servit pour faire ses affaires en même temps que celles de son patron ; il ne s’en servit pas moins pour le succès de ses bonnes fortunes, car il était galant et plus que galant. Après avoir disputé M, le de Chevreuse au cardinal de Retz, il réussit d’abord auprès de la belle duchesse de Châtillon ; mais la liaison finit par des démêlés qui donnèrent un scandaleux divertissement au public. À ce propos, Mlle de Montpensier, la grande Mademoiselle, a mis cette remarque dans ses Mémoires : « Qui auroit dit à l’amiral de Coligny : La femme de votre petit-fils sera maltraitée par l’abbé Foucquet, il ne l’auroit pas cru. » Ce furent probablement ces scandales qui causèrent un refroidissement, sinon une brouille complète entre le surintendant et l’abbé. Au mois de septembre 1657, Mazarin soupçonnait les deux frères de n’être pas « tout à fait de concert ni en parfaite intelligence. »

Deux mois après, c’était le moment de payer les troupes en quartier d’hiver et de tout disposer pour la campagne prochaine. Le cardinal exigeait immédiatement une somme énorme, dix millions. Au lieu d’aider à trouver des prêteurs, l’abbé traversa le surintendant et faillit tout perdre. Heureusement, Nicolas avait parmi ses affidés un habile homme, Gourville, qui se mit en campagne et trouva deux gros prêteurs, deux financiers de grand état, Horwarth et Jeannin de Castille. Le premier, chose remarquable et quelque peu irrégulière, était, en même temps qu’homme d’affaires et banquier, contrôleur-général de l’épargne ; le second était allié à Foucquet par la seconde femme de celui-ci, qui était Castille. Herwarth avança trois millions sur assignations à sa convenance ; Jeannin consentit à fournir le surplus sous la garantie personnelle du surintendant, et moyennant intérêt au denier dix. Ainsi furent réunis les dix millions exigés par Mazarin. Tout de suite après, il en exigeait d’autres pour la Flandre, pour l’Italie, pour la Catalogne ; il