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I

Les Foucquet étaient d’Anjou, aux confins de Bretagne ; ils portaient dans leurs armes un écureuil, un foucquet, comme on disait dans le pays. Étaient-ils de noblesse ou de roture ? Il y en avait eu d’épée ; il y en avait eu de robe ; mais il s’en était trouvé aussi dans le négoce. Tel était, le cas de celui que le surintendant comptait pour son arrière-grand-père. Que fait cela ? Colbert, le grand Colbert, le rival acharné, l’ennemi implacable de Foucquet, n’était-il pas fils d’un marchand de laines ? Quoi qu’il en soit, en 1615, au moment, où naquit Nicolas, le héros de M. Lair, François, troisième du nom, son père, occupait un siège de conseiller au parlement de Paris ; il avait de bonnes alliances dans la robe, car il avait épousé une Maupeou, fille d’un maître des comptes. Elle lui donna douze enfans, six fils et six filles ; toutes les filles entrèrent en religion, et la moitié des fils furent d’église. Entre les douze, Nicolas était venu le troisième.

De conseiller au parlement devenu maître des requêtes, François Foucquet fut distingué par le cardinal de Richelieu qui l’employa dans les allaires de la marine et du commerce, puis tout à coup le lança dans une poursuite politique contre le malheureux Chalais. M. Lair a consacré tout un chapitre de son livre au jugement de Chalais ; ce n’est pas un hors-d’œuvre. Il était bon que le grand procès du surintendant devant une juridiction arbitraire eût pour prolégomènes les actes d’une de ces commissions exceptionnelles où figurèrent deux magistrats du nom de Foucquet, l’un, de la branche de Bretagne, Christophe, procureur-général au parlement de Rennes, l’autre, François, le maître des requêtes. « L’impression générale, dit M. Lair, fut que Chalais avait été injustement condamné… Des flots du sang dont Richelieu fut couvert, une goutte retomba sur François Foucquet et sur ses enfans. »

Nicolas, qui avait un frère aîné, s’était d’abord, vu destiné à l’église ; à seize ans, il avait reçu la tonsure ; mais de nouveaux arrangemens ayant été faits dans la famille, il fut nommé conseiller au parlement de Metz, revint à Paris en 1636, acquit une charge de maître des requêtes et se trouva de la sorte, à vingt et un ans, collègue de son père. Celui-ci mourut quatre ans après, en 1640. En fait Nicolas devenait le chef de la famille ; son aîné, qui s’était fait prêtre, avait été sacré, l’année précédente, évêque de Bayonne. Outre ses sœurs, dont quatre à, cette époque, étaient déjà religieuses, il y avait encore quatre frères puînés dont le dernier n’avait pas plus de cinq ans. Peu de temps, avant la mort de son