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trui ; l’ignorance, le vice, les préjugés, les folies accumulées par des siècles de gouvernement oligarchique disparaîtront et feront place à la fraternité. Mais pour obtenir d’aussi glorieux résultats, l’union complète, absolue, des métiers est profondément désirable. Quoi ! le prolétariat ne serait pas indivisible, il y aurait des anciens et des nouveaux, des privilégiés dans la population ouvrière ! Quelle faute et en même temps quel amoindrissement des facultés d’organisation de la race anglo-saxonne si de pareilles distinctions venaient jamais à s’établir ! Loin que les fédérations s’émiettent et se désagrègent, elles doivent profiter de toutes les circonstances pour accroître leurs forces, s’imposer à l’État, forcer celui-ci à traiter avec elles. Le président continue, et les applaudissemens éclatent au moment où il affirme que la question la plus urgente est la limitation légale de la journée de travail : « L’heure est arrivée de réaliser cette amélioration ! s’écrie-t-il ; la presse et le public en reconnaissent l’importance, et les ouvriers étrangers attendent anxieusement que leurs frères anglais assument à cet égard une courageuse initiative. » M. Matkin ne craint pas un instant que la prospérité du pays s’en ressente, car le développement physique et mental du travailleur, conséquence bienfaisante de la loi future, aura pour corollaire évident l’accroissement de la production. Cependant, il n’entend pas heurter de front les répugnances de certaines industries, mais pourquoi les professions qui soupirent après la réforme ne l’obtiendraient-elles pas immédiatement ? En ce qui concerne les mineurs, par exemple, l’opinion est mûre, les chambres sont presque entièrement avec eux. Serait-il donc impossible que chaque métier s’en référât à un plébiscite et se soumît, par avance, aux arrêts du scrutin ? — Le président passe ensuite à la députation ouvrière au parlement ; il voudrait la voir plus nombreuse ; il s’indigne que des villes manufacturières comme Glascow, Leeds, Manchester, Bradford, où les électeurs ouvriers tournent la majorité, ne soient représentées que par des bourgeois. L’effort des unionistes doit se porter de ce côté ; il leur recommande d’user des libertés que la constitution leur accorde pour fonder un peu partout des conférences et des comités électoraux. Toute cette partie du discours de M. Matkin est présentée avec lucidité et on la trouvera sans doute d’une modération relative. La fin est moins heureuse. Parlant des crises les plus récentes, l’auteur de l’adresse flétrit la conduite des travailleurs des champs que l’appât d’un gain supérieur pousse à prendre la place des grévistes et à faire ainsi le jeu des patrons. Si l’agriculture était plus développée, l’ouvrier des villes n’aurait pas à redouter, dans les momens difficiles, la concurrence des ruraux, le pays ne ferait plus venir ses vivres de l’étranger. À ce point de vue, la nationalisation des biens-fonds