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manqué d’examiner avec soin de quelle façon il serait possible de rédiger, conformément aux vœux exprimés par le congrès de 1889, une loi limitant à huit heures la journée des mineurs ; mais ces derniers ayant déjà élaboré un projet dont le parlement britannique est actuellement saisi, le comité croit devoir déclarer qu’il se désintéresse momentanément de la question. C’est une échappatoire, une fin de non-recevoir, et l’assemblée le comprend ainsi. Des murmures se font entendre à l’extrême gauche, de violentes interruptions s’échangent ; il devient évident que la réforme si difficile, si grosse de périls de tout genre, que poursuit une fraction de l’unionisme, fournira aux divisions encore latentes l’occasion d’éclater au grand jour. Déjà le parti avancé réclame, dans son ardeur impatiente, la discussion immédiate du rapport de M. Broadhurst, mais le président rappelle aux délégués qu’ils sont invités à une promenade sur la rivière et à une collation à l’hôtel de ville. L’ajournement est adopté, malgré les protestations tumultueuses d’un côté de la salle. Au vote, 31 voix seulement s’étaient prononcées pour la continuation des débats. Il est permis de penser que le zèle excessif des opposans provenait plutôt d’un vif souci de plaire à leurs électeurs que de l’intention bien arrêtée de refuser les distractions innocentes préparées par la municipalité.

Le lendemain, 2 septembre, la salle était comble au début de la séance. On expédie rapidement le procès-verbal, puis M. Matkin se lève et commence la lecture de l’adresse présidentielle. La voix est sourde, le débit monotone, le geste rare et sobre. Peut-être le style est-il un peu fleuri surtout lorsque la pensée de l’écrivain s’élève à d’inaccessibles hauteurs. Certaines des propositions qu’il émet, nous pourrions dire des rêveries qu’il caresse, ne manqueront pas d’amener un sourire aux lèvres de bien des hommes réfléchis ; elles n’en sont pas moins intéressantes en ce sens qu’elles accusent de la façon la plus naïve l’ambition impétueuse des personnages qui ont entrepris de diriger les unions. Le travail, dont M. Matkin célèbre avec raison les bienfaits, devrait être le facteur unique et dominant dans un État idéal désormais chargé de tout. À lui la fixation du taux des salaires et des impôts, à lui la distribution des terres, la protection de l’individu. Aux yeux du président du congrès, l’économie politique s’inspire aujourd’hui de sentimens purement humanitaires, elle s’est débarrassée des partisans néfastes de la vieille école. L’avenir est aux classes laborieuses, tout le monde le sait, aussi bien le politicien qui leur prodigue ses coquetteries, que le capitaliste qui les redoute et le philanthrope qui les protège. Le temps n’est pas éloigné où la société humaine sera si parfaitement agencée que le producteur seul aura son existence assurée. L’oisif ne consommera plus le fruit du travail d’au-