Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 102.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

font de charmans presse-papier avec les blocs de marbres blancs, verts ou jaunes de Numidie, qui n’ont gardé aucune trace de leur forme taillée ; ils les vendent à bas prix à leurs rares visiteurs. C’est un moyen comme un autre de faire retrouver aux apôtres modernes les quelques milliers de francs qu’une chambre mesquine a refusés à leur œuvre de propagation. On ne s’est pas douté le moins du monde que cette misérable économie ferait exulter de plaisir Stanley, Émin-Pacha et les puissans États qui les soutiennent.

M. Cambon, quoique fort absorbé par ses fonctions de résident, obtint du bey, en 1881, la nomination d’un directeur des fouilles, puis un décret préservant ces dernières des chercheurs inintelligens et suspects. Ce ne fut qu’en 1884, grâce à l’intervention de M. Xavier Charmes, que des mesures sérieuses organisèrent dans la régence une administration régulière. Le ministre de l’instruction publique, lequel se montra toujours plus prodigue que ses collègues à l’égard de la régence, car il subventionna le musée de Carthage et consacra des fonds aux recherches, créa une commission pour la publication d’études sur l’archéologie africaine. M. Renan fut nommé, comme de raison, président de cette commission, et l’un des membres résida à Tunis pour informer l’illustre orientaliste de ce qui s’y faisait. Un local en rapport avec ces projets manquant, S. A. Ali-Bey, après avoir créé, de son côté, une direction des antiquités et des arts, qu’il confia à M. R. de la Blanchère, délégué du ministère de l’instruction publique de France, offrit, pour recueillir les collections, l’ancien harem du bey Mohammed, au Bardo.

L’inauguration du musée eut lieu le 7 mai 1888, en présence du bey, de M. Massicault, auquel une bonne part est due dans le succès de cette affaire ; de M. G. Perrot, membre de l’Institut ; de M. Delpeuch, ancien chef du cabinet ; de M. Wallon, secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, et de M. Héron de Villefosse, conservateur du Louvre. Entre temps, M. le docteur Cosson, de l’Institut, ayant sous ses ordres tout un groupe de jeunes savans, explorait la Tunisie au point de vue des sciences naturelles.

Le Bardo, où est installé le musée et auquel M. de La Blanchère a donné pour plaire au bey actuel le nom d’Alaoui, est situé à quelques kilomètres de Tunis. Il servait autrefois de demeure aux deys de l’Algérie qui venaient y séjourner en passant. On y trouvait des maisons d’habitation, des mosquées, des casernes et des lieux de détention pour les prisonniers dont on espérait de fortes rançons. L’ensemble de la construction, qui couvre un espace de 16 hectares,