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jeunesse africaine n’aura d’autres écoles que celles qui lui seront largement ouvertes par la direction de l’enseignement français, qu’il sera possible d’espérer un revirement dans les sentimens intolérans, fanatiques du monde musulman.


XVI. — LES MUSÉES DE LA MANOUBA, DE CARTHAGE ET D’ALAOUI.

On a vu, dans l’un des paragraphes précédens, combien les champs de la Tunisie étaient jonchés de ruines ; les plus récentes ne remontent qu’à la fin de l’empire romain. Lorsque, aux Ve et VIe siècles, se produisit l’invasion des Vandales, à laquelle succéda la conquête arabe, rien non-seulement ne fut plus édifié, mais encore ce qui restait d’un glorieux passé s’écroula sur le sol. Les colonnes de marbre des temples chrétiens et païens furent dispersées et de préférence transportées là où, comme à Kairouan, se construisaient les grandes mosquées. Il ne resta plus debout que des murailles chancelantes de thermes, de cirques et d’amphithéâtres. Heureusement pour saint Augustin qu’il ne vit pas le sac de sa bien-aimée ville d’Hippone et les églises de son diocèse livrées aux flammes et à la pioche des démolisseurs. Ceux qui partageaient sa foi et qui lui survécurent furent moins heureux : pas une pierre des temples chrétiens ne resta debout. Il fallut une longue suite de siècles avant qu’un cardinal français, aux acclamations d’une multitude de fidèles et d’évêques, pût élever une cathédrale à l’endroit même où fut Byrsa.

Aucun pays au monde n’est aussi riche que la Tunisie en antiquités, et plus d’un lecteur sera surpris d’apprendre qu’elle est plus favorisée que l’Italie en ce qui touche les vestiges de la civilisation romaine, et supérieure à la Syrie en débris de monumens phéniciens. Ce qu’il en restait au milieu du siècle qui finit était destiné à s’éparpiller dans toutes les directions, lorsqu’un ministre du bey, Mohammed-es-Sadock, eut l’idée, dont il faut lui savoir gré, de se faire concéder tous les débris archéologiques. Il le fit dans une vue de spéculation, c’est certain ; mais il n’en résulta pas moins une première idée de collection, un semblant de musée, celui de la Manouba. Ce qu’il en reste aujourd’hui est bien peu de chose, car la dilapidation s’y est pratiquée sur une grande échelle; mais non loin de la Manouba, à Carthage même, les missionnaires d’Afrique formèrent, eux aussi, sur l’ordre de M. Lavigerie, un vaste musée où, si l’on ne trouve que quelques rares reproductions en mari re de la tête de Tanit et pas une seule fibre du zaïmph qui la voilait, il y a du moins un amoncellement d’objets antiques d’un haut intérêt. Les missionnaires