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Coran, le droit, l’arithmétique, la géométrie, l’algèbre, l’astronomie, etc.

Chacun des professeurs chargé de l’un de ces cours[1] est tenu de faire deux leçons par jour. Ces leçons ont lieu dans la grande salle de la mosquée où chaque maître a un endroit qui lui est réservé, et la coutume est de designer du nom de ce maître la colonne près de laquelle il s’assoit pour faire sa leçon. La salle de la grande mosquée offre un aspect curieux aux heures des études qui commencent dès six heures du matin pour se continuer presque sans interruption jusqu’au soir. On voit quinze professeurs entourés de leurs élèves, faisant tout à la fois leur cours à la même heure, sans être incommodés les uns par les autres. En général, ces leçons durent une heure. Les auditeurs, assis sur des nattes, sont rangés en cercle autour du maître, qui tient entre ses mains, le plus souvent, un exemplaire de l’ouvrage qu’il doit expliquer. Il lit ou fait lire par un de ses étudians un membre de phrase, et il entre ensuite dans toutes les explications que nécessite l’interprétation du sens. Ces explications sont ordinairement celles qu’il a apprises presque textuellement dans un commentaire; il ne fait que les rapporter en tâchant de les éclaircir par des remarques complémentaires. Quelquefois, cependant, il commente lui-même le texte qu’il doit expliquer, sans suivre tel ou tel auteur. Il interroge ensuite ses auditeurs, s’informe s’ils ont bien compris la leçon qui leur a été faite, répond à leurs observations ou à leurs demandes d’explication, et termine par la phrase sacramentelle : Oual-laou-Alam! ce qui signifie: « Et Dieu est le plus instruit. Dieu connaît mieux que personne la vérité. » Cela doit être aussi une vérité pour beaucoup de pédagogues français.

Les étudians de ce séminaire sont au nombre de six cents; comme leur instruction est spécialement religieuse, que beaucoup d’entre eux aspirent à faire partie du clergé, on a eu pour ces jeunes hommes des égards que nous avons eu bien de la peine à avoir pour les nôtres. C’est ainsi qu’ils sont exemptés de l’impôt de capitation de quarante-cinq piastres qui frappe les sujets tunisiens, hommes et femmes. De plus, ils n’ont pas de service militaire à faire, ce qui garantit d’un contact parfois déplaisant certaines natures profondément religieuses.

On les loge dans des établissemens spéciaux appelés medraças ; à Tunis, il y a vingt-quatre medraças toujours ouvertes. Les trois établissemens de ce genre d’Alger, de Constantine et de Tlemcen

  1. Rapport adressé au ministre résident de la république française à Tunis, par M. Machuel, directeur de l’enseignement public.