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française Bône-Guelma. Dès 1871, cette société avait obtenu du gouvernement français, pour l’extension du chemin de fer à ouvrir sur le territoire tunisien, les faveurs financières concédées à son réseau algérien. Le gouvernement de la république lui garantissait, pour les lignes de la Medjerda et jusqu’à concurrence d’une longueur totale de 220 kilomètres, un revenu annuel de 10,122 Ir. par kilomètre exploité. De son côté, le gouvernement du bey lui faisait la remise gratuite des terrains nécessaires à son chemin, lui réservant, en outre, le droit exclusif de construire des embranchemens sur la ligne concédée jusqu’à une distance de 50 kilomètres. Comme l’ensemble des lignes exploitées par la compagnie Bône-Guelma n’avait pas en longueur les 200 kilomètres qui lui avaient été assurés, elle eut la bonne fortune de faire accepter par le gouvernement français l’embranchement du chemin de fer de Tunis à Hamman-Lif d’une longueur de 17 kilomètres. C’était le premier acheminement vers le Sahel. Elle obtint une nouvelle concession en 1885, mais insignifiante, celle de l’embranchement de Béja-Gare à Béjaville.

La compagnie Bône-Guelma est aussi propriétaire de la ligne de Sousse à Kairouan. Cette voie ferrée, — un Decauville dont l’exploitation est faite par chevaux traînant des plates-formes dans le genre de celles dont les visiteurs de l’Exposition ont grandement usé, se réduit à la circulation d’un train de voyageurs par semaine et de quelques convois de marchandises. Elle a besoin d’être améliorée, car, établie sur le sable, les déraillemens sont nombreux, mais sans que la vie des voyageurs soit jamais en péril. On en est quitte pour un court temps d’arrêt dans les dunes.

Indépendamment des chemins de fer de Tunis à la frontière algérienne, le gouvernement beylical a donné à diverses compagnies industrielles l’autorisation d’établir quelques voies ferrées d’un intérêt particulier. Mais comme elles ne sont pas encore en exploitation, inutile d’en parler.

Malgré les ports nombreux dont est doté le littoral de la Tunisie, la modicité du prix des transports par mer, qui, par paquebots, n’excèdent pas 0 fr. 08 la tonne kilométrique, M. Michaud croit que, dans un avenir plus ou moins prochain, la voie maritime sera insuffisante ; seule, d’après lui, la voie ferrée permettra d’assurer à la fois la régularité, la puissance, la commodité, la vitesse et l’économie dans les transports. Mais, ajoute l’honorable directeur des travaux publics, « malgré ces avantages incontestables, il faudrait renoncer à construire de nouveaux chemins de fer en Tunisie, si la construction et l’exploitation de ces lignes devaient entraîner pour le gouvernement beylical des charges comparables à celles que les lignes algériennes imposent actuellement à la France. »