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de la côte est, la circulation était même difficile en toute saison. Qui a visité la Tunisie en a fait largement l’expérience. En théorie, les caïds étaient chargés depuis un temps immémorial de l’entretien des voies de communication de leurs caïdats ; ils avaient le droit de réquisitionner pour ce service tous les hommes valides de dix-huit à cinquante ans ; de même, en vertu d’un usage presque universel, tout homme valide, inscrit sur le rôle de l’impôt de capitation, pouvait être tenu de participer à tout travail utile à la tribu, par conséquent, à l’entretien des pistes, mais ces dispositions étaient tombées en désuétude.

Par ce qui précède, on devine ce que pouvaient être les ponts tunisiens. Aucun ouvrage d’art ne facilitait la traversée des dépressions ou même des rivières. Seuls, quelques grands ponts, construits à une époque ancienne, permettaient de franchir les fleuves les plus importans ; ils n’étaient aucunement entretenus, à l’exception de quelques-uns d’entre eux, pour lesquels l’administration religieuse des biens habbous disposait de fondations pieuses affectées par les donateurs à cet entretien.

On voit ce qu’il y avait à faire en Tunisie dès 1883; on verra ce qui a été fait depuis lors avec un personnel restreint et de faibles ressources. Mais avant, disons qu’actuellement le programme suivi consiste à rectifier et à empierrer les passages les plus difficiles, à établir les ouvrages d’art destinés à maintenir la durée des communications entre les principaux centres de population, et à ne construire de routes empierrées dans toute leur longueur, que sur des points particuliers où cet empierrement est nécessité par la nature du terrain, l’exiguïté du parcours, le voisinage de Tunis, et encore, là seulement où la fréquentation des pistes le rendra nécessaire. Je fais cette restriction, parce qu’en voyant au milieu d’un site désert et sauvage le campement d’un agent-voyer, des nègres à peu près nus et aux formes athlétiques, cassant des cailloux sous un soleil de feu, l’idée m’est venue qu’il faudra encore bien des jours et de longues années avant qu’on y voie régner la vie et le mouvement. Le cavalier tunisien, comme le conducteur de chameaux, préférera pour les pieds délicats de sa monture et les sabots en caoutchouc de l’animal à deux bosses, la piste fleurie, sans ornière, où je lésai vus paisiblement cheminer.

Les routes qui ont été empierrées depuis 1883 sont celles de Tunis à la Goulette, de Tunis à la Soukra, et toujours en partant de Tunis, les routes de la Manouba, du Bardo, de Sousse, de Bizerte, de Mornakia, de Zaghouan et du Kef; puis, celles de la Marsa, de Rhadès à Soliman ; de Sousse à Kairouan, de Sousse à Médhia, de Sfax à Tunis; route du Kef à Souk-el-Arba et à Tabarka; de Tabarka à la Galle et de la Galle à Daïn-Draham. Soit