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de Gafra, de Zarzis, et de cette émeraude émergeant d’une mer couleur de saphir, l’île de Djerba. Mais où il est supérieur à toutes les cultures, c’est dans la région qui, en Tunisie, porte le nom de Sahel. Officiellement, le Sahel donnerait 3,200,000 pieds d’oliviers, mais comme chacun d’eux paie une taxe, il en est des milliers que l’on doit cacher aux Argus collecteurs. Aux environs de Tunis et de Bizerte, dans une portion de la presqu’île du Cap-Bon, la dîme sur les oliviers est perçue en nature à raison de 12 pour 100. Chaque année, à la fin de novembre, la perception est mise en adjudication, mais sur la mise à prix fixée par les amins ou experts.

Pour quel motif l’olivier n’est-il pas cultivé dans la Régence sur une plus grande échelle, là où le terrain et le climat lui conviennent parfaitement? C’est parce que le fisc le frappe et le pressure encore plus qu’un moulin n’en pressure le fruit. Ainsi, dans ce Sahel dont je parlais à l’instant, l’impôt unique dont l’arbre à huile est actuellement atteint représente sept impôts anciens qui furent supprimés, il est vrai, mais pour se reproduire en un seul. Le Tunisien payait en quelque sorte pour l’air qu’il respirait et pour le sommeil qui lui ôtait le souvenir de sa misère. Afin qu’il ne s’en aperçût pas, le bey Ahmed, prédécesseur du bey actuel, créa un impôt unique. Seul, le trésor du souverain y trouva son compte. Cela s’appelle le kanoun des oliviers. Voici sur quelle base l’impôt de ce nom est établi.

Les arbres sont classés en trois catégories : la supérieure, la moyenne et l’inférieure. Leur classification, d’après ces trois catégories, est inscrite d’abord sur un registre spécial, puis sur neuf autres tout aussi spéciaux, puis sur un autre registre, — spécial sans doute aussi, — destiné aux archives du ministère des finances. Ce n’est pas tout. Il est fait quatre expéditions des classifications dont une reste déposée dans les mains du gouverneur du Sahel. Qu’on se figure la place prise par ces paperasses et la quantité de gratte-papiers qu’elle exige! On recule épouvanté si l’on apprend sans préparation que le même régime d’inscription, de classification, de catégorie, etc., est appliqué aux dattiers.

Il est entendu que le paiement des kanoun n’est exigé qu’autant que les arbres produisent, mais je dois dire que le propriétaire d’un champ d’olivier doit payer encore sur chaque 100 piastres de perception 1 piastre 1/2 au collecteur à titre de compensation « pour les risques d’erreurs dans sa comptabilité. » N’est-ce pas un comble?

Dans cette législation agricole, je ne vois qu’un allégement aux tracasseries imposées aux possesseurs d’arbres à fruits, et c’est celui-ci : lorsque le comité de recensement ou de la Gaba, ainsi