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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

La plus grande partie de la seconde quinzaine d’octobre s’est passée, pour notre marché financier, à attendre une élévation du taux de l’escompte à Londres et subsidiairement à Paris, et une liquidation mensuelle détestable sur les places anglaises et allemandes. La Banque d’Angleterre a pu maintenir le taux de son escompte officiel à 5 pour 100, et la liquidation s’est faite sans trop d’embarras apparens au Stock-Exchange et à Berlin. Notre marché a donc été délivré, en partie au moins, de ses appréhensions, et les cours de la rente française se sont, en effet, légèrement raffermis pendant quelques jours.

Cependant les conditions mêmes auxquelles ont pu être évitées les catastrophes que l’on redoutait doivent peser encore un certain temps sur les transactions financières. Si le taux de l’escompte n’a pas dépassé 5 pour 100 à Londres et 5 1/2 à Berlin et a été maintenu à 3 pour 100 à Paris, ce résultat est dû à l’abandon que la Banque de France a consenti à faire d’une centaine de millions de son stock d’or. D’un autre côté, la situation a été réellement critique à Londres. De puissantes maisons ont ressenti une gêne extrême de la baisse simultanée des valeurs argentines, des actions de chemins de fer de l’Amérique du Nord et des titres de mines de toute espèce et de tous les pays. Des capitaux énormes se sont trouvés immobilisés, et des positions de spéculation n’ont pu être liquidées que par des arrangemens à termes plus ou moins éloignés, conclus hors du marché et avant la liquidation officielle. D’autre part, il a été vendu, pour des sommes considérables, à Paris, des valeurs qui se négocient régulièrement sur les deux marchés français et anglais, et le Stock-Exchange s’est ainsi créé des ressources qui ont encore facilité les opérations de dégagement du 27 au 29 courant. Les mêmes causes ont produit les mêmes effets à Berlin, où, le jour de la liquidation, tout s’est passé avec une facilité qui pouvait faire illusion sur le véritable état des affaires, mais d’où vont venir, ces jours prochains, des livraisons de titres avec lesquelles aura à compter notre liquidation.

C’est la crainte de ces livraisons de titres d’Angleterre et d’Allemagne qui arrête tout essor sur le marché de Paris. Notre spéculation semble très chargée à la hausse, et l’on s’attend à une tension sérieuse