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et faussée à dessein quand elle est donnée dans ces termes. Ceux de nos contradicteurs qui sont éclairés et de bonne loi (il y en a beaucoup heureusement) la rectifient dans les termes suivans : « Nous savons bien que la marchandise étrangère, les vins espagnols, par exemple, supportent, depuis leur point de production jusqu’à Paris, leur point de consommation le plus important, une taxe totale supérieure à celle que supportent les vins français de leur point de production à Paris. Mais nous constatons que la part de cette taxe totale, qui correspond à un parcours français déterminé, Cette à Paris, par exemple, est très inférieure à la taxe que les vins français, produits ou créés à Cette, ont à supporter pour atteindre Paris. » Et de deux choses l’une, ajoute-t-on : « Ou bien la taxe appliquée aux produits étrangers n’est pas rémunératrice, c’est alors une mauvaise action dont l’État, qui homologue les tarifs et qui, par le jeu de la garantie d’intérêts, est en quelque sorte l’associé des compagnies, a le tort de se faire le complice; ou bien cette taxe est rémunératrice, et alors pourquoi la compagnie, qui s’en contente pour le produit étranger, n’en fait-elle pas jouir le produit similaire français ? »

Faisons justice tout d’abord de ce dernier argument. Un commerçant, un industriel quelconque n’a qu’un but, en définitive : prospérer le plus possible par des moyens légaux et honnêtes. De ce que les compagnies de chemins de fer assurent, comme on le dit, un service public, plus exactement un service qui intéresse le public tout entier, est-ce une raison pour que, commerçantes et industrielles, elles aussi, elles s’inspirent d’autres sentimens et ne cherchent pas à assurer honnêtement aux immenses capitaux que l’épargne publique leur a confiés la rémunération la plus élevée possible ?

Il y a deux manières de faire des affaires : vendre peu, à prix fixe et bénéfice uniforme ; vendre le plus possible, en se contentant du bénéfice qu’il est possible en chaque cas de réaliser.

Le raffineur de Paris vend son sucre, pris à l’usine, à un certain prix à Paris et dans la Seine ; à un prix moindre à Dijon, à Clermont, à Lyon; à un prix d’autant moindre, s’il veut aller plus loin, qu’il s’éloigne davantage de Paris et se rapproche davantage du rayon naturel d’action des raffineries concurrentes de Nantes et de Marseille. S’il vend à l’étranger, il baisse encore son prix de vente à l’usine, parfois même jusqu’à vendre sans bénéfice (cela réduit toujours ses frais généraux) pour lutter en Italie, au Maroc, en Perse, par exemple, contre la concurrence des industries similaires de tous les pays du monde.

Le savonnier, le fabricant de bougies de Marseille, font de même.