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LES
ÉTUDES MORALES ET SOCIALES
AU POINT DE VUE NATIONAL

Autrefois, l’unité de l’éducation était demandée à l’esprit religieux ; le maître était lui-même, le plus souvent, un prêtre ; il avait donc à la fois une autorité pédagogique et une autorité morale. À notre époque, le professeur est un homme instruit, un savant, un lettré qui vient enseigner ce qu’il connaît, sans se préoccuper de ses voisins, tirant tout à lui le plus possible. Le matin, c’est de la grammaire latine ou grecque ; le soir, ce sera de la géographie ou de l’histoire ; demain, de la géométrie ; et chaque maître est là, invitant les élèves à le suivre, sans parvenir toujours à les persuader. Un de nos écoliers, dit le recteur de Toulouse dans son rapport au ministre, « peut avoir affaire, dans la journée, à cinq maîtres différens et souvent plus. » On peut bien supposer en outre, avec M. Marion[1], que la moitié de ces maîtres sont de médiocres éducateurs : « Ce serait miracle qu’il en fût autrement, quand les choses de l’éducation, si délicates, sont les seules qu’on ne leur demande pas de savoir. » Que restera-t-il dans l’esprit des élèves au bout de la journée, au bout de la semaine, du mois, de l’année. Des idées confuses et détachées, sans conclusion nette, le sentiment d’une fatigue cérébrale, d’un voyage à travers le chaos. De là cette interrogation que les élèves formulent tout bas et parfois tout haut : « Pourquoi ? À quoi bon ? » La seule réponse catégorique,

  1. Rapport au conseil supérieur.