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qui sont à naître ; il leur faut une famille intelligente et distinguée; l’hérédité est surveillée de près. Ces droits des enfans à naître sont dans la société nouvelle l’objet d’un grand et légitime souci. Dans les collèges, une large place est faite aux exercices du corps; Julian West est frappé de la superbe santé des écoliers. Règle générale : la race s’est améliorée ; la richesse n’amène plus d’oisiveté corruptrice ni la misère d’excès de labeur. Il n’est plus question de mauvais logemens, de mauvaise nourriture. La démence a presque disparu, ainsi que le suicide. Certes, les femmes ont pris une grande part aux œuvres moralisatrices. Affranchies du fardeau qui les absorbait tout entières, le ménage beaucoup mieux dirigé selon le plan coopératif, elles consacrent leurs facultés, qui se dépensaient autrefois en minuties, à l’intérêt commun. Elles servent dans l’armée industrielle, cinq, dix ou quinze ans, à différentes époques de leur vie; celles qui n’ont pas d’enfans s’acquittent du service tout entier. Le mariage ne les force pas à l’abandonner, puisqu’elles n’ont plus la responsabilité des ménagères. A chacune d’elles est réservé le travail qui lui convient le mieux. On tient compte de leur faiblesse, des exigences de leur sexe ; pour elles, les heures de travail sont courtes, le repos est fréquent. Il a été reconnu qu’un travail régulier leur était salutaire ; le docteur Leete attribue la vigueur physique qui les distingue des femmes d’autrefois, à ce qu’elles ont toutes des occupations qui les intéressent. Sans faire partie intégrale de l’armée des hommes, elles constituent une force alliée, sous un régime exclusivement féminin. Leur général en chef est une femme, élue comme ses collègues mâles. Elle siège dans le cabinet du président, peut opposer son veto à telles mesures qui regardent le travail des femmes, possède une voix au congrès, etc. Dans les affaires judiciaires, il y a des juges féminins lorsque le délit a été commis par une femme. Si deux parties en cause appartiennent à des sexes différens, il faut qu’un juge de chaque sexe consente au verdict. Les femmes forment donc jusqu’à un certain point une sorte d’empire au sein de l’empire même, mais ceci n’entraîne aucun péril. L’une des innombrables Revues de la société ancienne était de ne pas reconnaître l’individualité distincte des sexes. L’attraction passionnelle entre l’homme et la femme empêchait de distinguer les différences profondes qui, sur tant de points, les rendent étrangers l’un à l’autre. Il faut donner à ces différences un libre jeu, sous peine de les voir dégénérer en antagonisme, supprimer ainsi tout ce qui produisit à un certain moment des rivalités contre nature.

— Maintenant, explique le docteur Leete, elles ont un monde à