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atteindre à une célébrité qui fut égale à la sienne pendant longtemps et qui précéda celle de son aîné. Dès l’âge de vingt ans, Olivier se mariait ; il épousait Marguerite d’Arcons, qui devait lui donner sept enfans, dont quatre fils. Ayant perdu son père de bonne heure, il se trouvait chef de famille, et le principal personnage du pays par la possession du domaine du Pradel. C’est sous le titre de seigneur du Pradel qu’il est habituellement désigné. Nous répétons que ces particularités ont une vraie importance comme indication dans la solution de la question en litige. Le rôle joué par son frère Jean de Serres trouve aussi sa place au même titre. Jean de Serres avait fait ses études théologiques à Lausanne, et il en sortait pour devenir ministre du Saint-Évangile. La journée de la Saint-Barthélemy le déterminait à retourner à Lausanne, qu’il quittait ensuite pour Nîmes, où il se fixait, et où il joignait à ses fonctions de pasteur l’enseignement de la théologie. Jean de Serres se faisait surtout une réputation d’historien en écrivant en latin, selon l’usage, sur les affaires contemporaines. De Thou s’est servi de ce Commentarium de statu religionis et reipublicœ in regno Galliœ, ouvrage qui, dans son entier, publié successivement, renferme l’histoire des troubles arrivés en France depuis 1557 jusqu’en 1576. L’historien recevait, dans les dernières années de sa vie, comme une consécration de la notoriété qu’il s’était acquise : Henri IV le nommait historiographe de France. Mais il ne se faisait pas moins connaître comme controversiste. Il avait maille à partir avec les jésuites, à qui on a prétendu faire remonter certaines accusations contre Olivier, dont nous les croyons fort innocens. Les jésuites de Tournon avaient attaqué l’académie protestante de Nîmes. Ses confrères chargèrent Jean de Serres de leur répondre, ce qu’il fit dans une série de pièces réunies sous le nom d’antijésuites. Le frère d’Olivier n’était pourtant pas un sectaire intransigeant; il tentait, dans des ouvrages de controverse, des essais de conciliation, qui naturellement ne devaient pas aboutir. D’autres circonstances, telles que la mission de représenter ses coreligionnaires au synode de Vitré, achevaient de mettre en lumière le zèle calviniste et les capacités de diverse nature de ce frère cadet d’Olivier.

Le zèle pour la foi nouvelle ne paraît guère avoir été moindre chez Olivier lui-même et, si les preuves qu’on en a ne permettent nullement de conclure qu’il l’ait poussé jusqu’à d’odieux excès, elles établissent, à n’en pas douter, son dévoûment à la cause. Il se faisait conférer, dans sa jeunesse, un grade ecclésiastique, le diaconat. Villeneuve-de-Berg manquant de pasteur, et le consistoire de Nîmes ayant déclaré ne pouvoir lui en fournir un, à cause de la rareté d’iceux, c’était le seigneur du Pradel que ses coreligionnaires députèrent