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UNE INDUSTRIE PASTORALE.

produits de Franche-Comté, fabriqués à la même époque, ne sortent le plus souvent des caves qu’en juin et juillet : durant trois et quatre mois, nos concurrens, plus habiles, répondent seuls à l’appel des consommateurs. Pourquoi ? Parce que, depuis longtemps, les Suisses ont reconnu que les caves doivent présenter, en hiver, les températures suivantes, d’après l’âge des fromages que l’on passe successivement d’une cave dans l’autre : Fromages frais ou blancs, sortant de la presse, 10 degrés ; un mois plus tard, 13 à 15 degrés ; deux mois ensuite, 10 à 12 degrés.

Lorsque, au sortir de la presse, le fromage a séjourné douze à quinze jours dans une cave sèche, à température relativement basse, avant d’être soumis à l’action de la chaleur humide, on n’a plus à craindre que les pièces se déforment, s’étendent ; la croûte se forme, s’épaissit, durcit en prenant une belle couleur jaune d’or. Autre utilité de la première cave : quand les fromages sont restés quelque temps dans la cave chaude, il peut arriver que certains tomes fermentent trop rapidement et tendent à se bomber : rien de plus simple alors que de transporter ces pièces dans la cave froide où, la fermentation se trouvant ralentie, le danger de gonflement disparaît aussitôt.

Mais il ne suffit point de régler la température des caves, il faut déterminer aussi leur degré d’humidité. Il en est de naturellement sèches et d’autres naturellement humides, suivant qu’elles se trouvent au rez-de-chaussée ou sous terre, creusées dans le roc ou en sous-sol de plaine. Ainsi l’hygromètre doit faire pendant au thermomètre et indiquer les degrés suivans : Fromages frais ou blancs, 80 à 85 degrés ; un mois plus tard, 85 à 90 degrés ; deux mois ensuite, 90 à 95 degrés.

Pour chauffer la cave, un fourneau en fonte ordinaire ne convient point, parce que la chaleur, très vive d’abord, tombe rapidement pendant la nuit ; mais on obtient l’état hygrométrique nécessaire avec des fourneaux en briques, en pierre ollaire ou en fonte émaillée, munis d’une bassine de vaporisation. À défaut d’hygromètres ou de psychromètres perfectionnés, on se contente de l’hygromètre à cheveu (le capucin), ou même de celui que fabriquent eux-mêmes les fruitiers suisses avec une ramille de sapin écorcée et recourbée, que l’humidité fait redresser. Seulement il faut adapter à ces petits instrumens un cadran gradué par comparaison avec l’hygromètre de précision. Enfin, le premier étage de la fruitière modèle comprend le logement du fromager et la salle de réunion des sociétaires.

Voilà le chalet idéal. Il n’a qu’un inconvénient : c’est de coûter fort cher ; 12000 ou 15000 francs de dépenses ne laissent pas de grever lourdement le budget de propriétaires ruraux qui, en