Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/866

Cette page a été validée par deux contributeurs.

UNE
INDUSTRIE PASTORALE


L’agriculture française traverse une crise : le phylloxera a détruit une partie de ses vignobles, l’élevage du ver à soie disparaît, la concurrence étrangère nous prive de débouchés importans ; l’absentéisme, le fonctionnarisme, déciment les campagnes ; la terre, frappée d’anémie, reste là comme une sotte, payant pour tout le monde, rongée par la dette hypothécaire, et, par l’effet des partages héréditaires, des droits de succession, de vente qui grèvent le patrimoine immobilier des familles, le capital entier fait retour à l’État dans l’espace de soixante-quinze ans : le paysan attend de sérieux dégrèvemens toujours promis, toujours différés ; on n’a pas entendu son silence, et il se plaint que l’impôt n’ait pas seulement une assiette, mais tant de pique-assiettes qu’il déteste comme la grêle sur sa moisson ; on oublie qu’il subit les révolutions et qu’il les répare par sa sagesse ; pour lui, le budget n’est pas un arrosoir, mais un coffre-fort scellé d’un chiffre impénétrable. Mais les fléaux de la terre, les défauts du paysan, demeurent la rançon de vertus éternelles ; la terre est toujours la grande nourricière, le réservoir de force et de courage ; elle pétrit son corps, le façonne aux plus rudes besognes, lui enseigne l’économie, cette seconde récolte ; la patience, qui est le secret de la victoire, le détourne des inquiétudes de la pensée. Elle a ses années de langueur, où elle