Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/699

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

REVUE LITTÉRAIRE

ALEXANDRE HARDY.


Alexandre Hardy et le Théâtre français au commencement du XVIIe siècle, par M. Eugène Rigal. Paris, 1890 ; Hachette.

Il y a, dans la Poétique d’Aristote, une petite phrase que je me garderais bien de citer dans son texte grec, si ce n’était qu’on en a proposé, — comme de toutes les phrases de ce livre célèbre et obscur, — cinq ou six traductions différentes. C’est quand, après avoir exposé sommairement les origines de la tragédie, Aristote arrive à Eschyle, et il s’exprime ainsi : Πολλὰς μεταβολὰς μεταβαλοῦσα, ἢ τραγῳδία ἐπαύσατο ἐπεὶ ἔσχε τὴν αὑτῆς φύσιν. Ce que je traduis, ou plutôt ce que je paraphrase de la manière suivante : « Après s’être essayée dans bien des directions, la tragédie se fixa, quand elle eut enfin reconnu sa nature. » Tout aussi bien et même mieux que l’histoire de la tragédie grecque, dont encore aujourd’hui bien des parties nous échappent, l’histoire de la tragédie française peut servir de commentaire, d’illustration, et de preuve à cette phrase de la Poétique. Avant d’atteindre sa perfection, la tragédie française classique, celle de Corneille et surtout de Racine, a essayé de plusieurs moyens d’y atteindre, et, quand elle y a eu touché, ἐπαύσατο, comme dit Aristote, elle s’est reposée, ou fixée, — pour bien peu de temps, il est vrai, puisque son histoire, au dix-huitième siècle, n’est que celle de sa décadence. L’intérêt du gros livre de M. Eugène