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qui serait réservée à la section d’Etat, comme ne constituant pas un délit et un crime aux yeux de la loi du pays, mais un fait politique devant être jugé administrativement.

D’une façon ou d’une autre, peu importe comment l’affaire sera jugée; il n’en resterait pas moins ce fait affligeant, c’est qu’il y aurait encore des esclaves sur une terre placée sous notre protection. Comme ces tenaces végétations qui résistent au feu et au soc des charrues, l’esclavage se serait maintenu en vue de cette rade de Tunis, où, pendant plusieurs siècles, les flottes des nations européennes se succédèrent pour l’écraser.

Notre résident général, secondé par le gouvernement français, a dû représenter à son altesse le bey que le premier devoir d’un souverain est de donner l’exemple du respect aux lois de son pays comme aux engagemens qu’il a pris avec les nations étrangères. On a dû lui rappeler que son prédécesseur avait décrété ceci le 20 janvier 1846 : « Dans l’intérêt des esclaves et l’intérêt futur des maîtres, comme aussi dans le but d’empêcher les premiers de demander protection à des autorités étrangères, des notaires sont institués pour délivrer à tout esclave, qui les demandera, des lettres d’affranchissement. » Et plus loin, dans ce même décret : « De leur côté, les magistrats devront nous renvoyer toutes les affaires d’esclavage dont ils seront saisis, et tous les esclaves qui s’adresseront à eux pour demander leur liberté. Ils ne permettront pas à leurs maîtres de les ramener, le tribunal devant être un refuge inviolable pour les personnes qui fuient un esclavage dont la légalité est douteuse et contestent à leurs détenteurs des droits qu’il est impossible d’admettre dans notre royaume. » Voici maintenant les engagemens pris envers l’Angleterre, engagemens qui pourraient aussi être mis respectueusement sous les yeux du bey : « Le gouvernement britannique et son altesse le bey, mus par des sentimens d’humanité, ayant égard aussi aux libres institutions dont par un bienfait de la divine providence jouissent leurs pays respectifs, s’engagent mutuellement à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour supprimer l’esclavage. Et tandis que, d’une part, le gouvernement britannique s’engage à ne pas ralentir ses efforts auprès des puissances amies pour empêcher le barbare marché d’êtres humains et pour faire émanciper les esclaves, son altesse le bey s’engage tout particulièrement, de l’autre, à faire exécuter la déclaration du 26 janvier 1846 abolissant à jamais l’esclavage dans la régence, et à faire les plus grands efforts pour découvrir et châtier quiconque dans la régence y contreviendrait et agirait contrairement à ces prescriptions. »

N’était-il pas à craindre que l’Angleterre n’adressât au gouvernement