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pour montrer l’attention particulière qu’il se propose d’apporter constamment et infatigablement aux affaires ressortissant audit directoire, comme le comporte leur extrême importance, » il s’en est réservé la présidence. Il n’était pas homme à commander une fois pour se reposer ensuite. Chaque soir, le directoire lui envoyait un procès-verbal de la séance du jour, qu’il lisait le lendemain matin. Il n’admettait pas qu’aucune décision fût prise, impliquant quelque nouveauté, sans qu’il l’eût approuvée. Ce grand conseil n’avait guère que voix consultative. Aucune dépense de surcroît n’était autorisée que par le roi lui-même. Aucun bail n’était définitif qu’après avoir reçu sa signature. Le projet lui en était présenté avec une note courte, mais claire, qui lui permît « de voir tout de suite la nature de la chose. » L’autorisation qu’il donne au directoire de lui adresser des questions « toutes les fois qu’il le jugera nécessaire, et notamment en tout cas extraordinaire, » fut comprise comme un ordre d’en référer à lui à tout propos. C’est bien ainsi qu’il voulait qu’elle fût entendue. « Les questions, dit-il, doivent être brèves et nerveuses, in wenig Worten und nerveus. » A chacune sera joint l’avis du directoire général. » Par exemple : « Il y a un cheval à vendre pour 100 thalers. Nous pensons que Votre Majesté fera bien de l’acheter, mais seulement pour 80 thalers ; autrement Votre Majesté y perdrait pour telle raison. » L’exemple prouvait que le roi voulait être instruit du dernier détail. Par milliers et milliers, il a reçu des questions auxquelles il a répondu par des notes marginales brèves. On a peine à comprendre qu’il ne se soit pas noyé dans cette inondation de faits divers, dont la plupart sont sans importance, et qu’il ait pu donner si nettement, et très souvent avec esprit, une pareille quantité d’ordres. C’est qu’il aimait à ordonner. Frédéric, son père, se plaisait à faire étalage de la majesté du roi de Prusse ; Frédéric-Guillaume, à faire sentir l’autorité de ce roi : « Vous devez chaque fois, dit-il au directoire et pour chaque affaire, ajouter votre avis, avec les raisons sur lesquelles vous l’établissez, mais nous demeurons le seigneur et roi, et faisons ce que nous voulons, Wir bleiben doch der Herr und Kœnig und thun was wir wollen. » Quelques lignes plus loin, après avoir déclaré qu’il entend toujours savoir la vérité, qu’il ne veut de flatteries d’aucune sorte, il répète les mêmes mots : « Nous sommes le seigneur et le roi, et faisons ce que nous voulons. »

L’esprit d’un prince qui comprend et pratique ainsi ses devoirs n’a pas une minute de repos. Frédéric-Guillaume ne pouvait être et n’était en effet jamais tranquille. Il aurait voulu voir tout le monde à l’œuvre : fermiers dans la ferme, ouvriers au métier, conseillers dans le conseil. Il recommandait au directoire de surveiller les