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certains comment l’ouvrier charpentier Jésus a exercé sans miracle un ascendant tel sur ses disciples, qu’il les a subjugués au point d’en faire ses Apôtres, héroïques par leur fidélité et leur vertu? A-t-elle réfuté le témoignage des narrateurs affirmant, attestant la vérité de leurs récits? Ils mentaient donc en glorifiant leur Maître? L’histoire est donc une duperie?

Je ne réfuterai pas ces doctrines mortes.

La vieille école rationaliste allemande pratiqua le procédé littéraire pour se débarrasser du miracle évangélique. Toute la vie de Jésus était en réalité une vie comme nos vies humaines. Rien de prodigieux, rien de miraculeux. Les plus simples événemens ont revêtu un caractère miraculeux par la façon dont les écrivains les racontent. Ils poétisent, ils embellissent ; ils prennent une illusion d’optique pour la réalité; les morts n’étaient qu’endormis ; les possédés n’étaient que des épileptiques ou des maniaques. C’est l’ignorance, la crédulité, l’imagination orientale qui ont donné à la vie de Jésus cette apparence légendaire et surnaturelle dont la vraie science critique doit la dépouiller.

Cette méthode, dont les vieux Allemands, Semler et Paulus, ont lourdement abusé, a succombé bien vite sous le rire de l’école mythique elle-même.

Voilà les seuls outils de la critique antithaumaturgique au service des systèmes panthéistes, matérialistes et athées. Ils ont été forgés en Allemagne ; en France, on les a imités, on a su les rendre plus fins, plus subtils, les manier d’une main plus légère et plus svelte. On n’a pas réussi à dissoudre le roc immuable de l’histoire de Jésus.

Il faut prendre cette histoire telle qu’elle est, ou la nier en bloc. Enlever ce qu’elle contient de transcendant et de miraculeux, c’est la détruire, non pas en elle-même, — elle défie tout, — mais dans l’esprit de ceux qui essaient de l’épurer, comme ils disent, de tout surnaturel.

En résumé, voici, au sujet d’une vie de Jésus traitée d’après les règles de l’histoire, les questions nécessaires et les réponses nettes de la critique impartiale, qui ne s’appuie que sur la raison pure.

Quels sont les documens où les faits de cette vie ont été consignés?

Les quatre Évangiles.

Ces écrits émanent-ils des témoins immédiats des événemens, ou de ceux qui ont interrogé les témoins immédiats ?

Oui.

Leur antiquité, et, par là-même, leur authenticité, sont-elles certaines, appuyées par les preuves les plus convaincantes?

Oui. La critique incroyante elle-même le reconnaît.