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« Que répondre, s’écrie-t-il, aux passages de l’Écriture qui parlent avec véhémence contre les moindres choses de cette nature ! »

L’interlocuteur des Provinciales répond faiblement, à son ordinaire. Lessius, dit-il, y a doctement satisfait en disant que les passages de l’Écriture n’étaient de précepte qu’à l’usage des femmes de ce temps-là, pour donner, par cette modestie, un exemple d’édification aux païens. L’Écriture fournit à saint Augustin des appuis moins fragiles. La sainte femme Rebecca a accepté et porté, pour s’embellir, des boucles d’oreilles et des bracelets. Judith, dans sa superbe beauté, parée comme on fait un temple, avait, en sortant de Béthulie, une coiffure magnifique, une chaussure très riche, des bracelets, des lis d’or, des pendans d’oreilles, des bagues et d’autres bijoux encore, car l’Écriture ajoute : « Elle se para de tous ses ornemens. »

La Bible fournirait des exemples plus édifians, mais celui de Judith n’est pas à rejeter. Il n’est pas dit et il n’est pas croyable que Judith ait acheté ces bijoux pour mieux triompher d’Holopherne. Elle se para de tous ses ornemens ; elle les possédait donc et s’en était servie déjà, non pour tendre des pièges, mais pour satisfaire, sans mauvaise intention, l’inclination naturelle qu’on a à la vanité. Cette innocente faiblesse ne l’empêchait pas d’être, avant, autant au moins qu’après sa compromettante expédition, la femme la plus respectée qui fût dans Israël.

— Pendant le siège de Paris, au temps de la Fronde, Port-Royal traversa de difficiles épreuves. Des partisans sans aveu couraient le pays, faisant la guerre aux marchands et aux laboureurs en imposant à tous taille et rançon. Au pieux fondateur de l’abbaye de Saint-Cyran, ils n’avaient laissé que sa chemise. Effrayées par cet exemple, les religieuses de Port-Royal des Champs se retirèrent à Paris. Les messieurs les remplacèrent dans l’abbaye.

On construisit, pour rendre l’abord plus difficile, de petites tours le long des murailles, en prenant occasion de répéter et de placer à propos les paroles de la Bible : Circumdale Sion et complectimini eam. Narrate in turribus ejus.

On récitait avec une pieuse émulation tous les textes belliqueux de la sainte Écriture ; on se comparait au peuple de Dieu qui, bâtissant Jérusalem, tenait la truelle d’une main et l’épée de l’autre. Ce pieux divertissement élevait les âmes. Quoiqu’aucune voix venue du ciel ne se fît entendre pour mêler aux citations les paroles non moins connues : Hoc fac et vinces, on ne doutait pas de la victoire.

M. de Pontis, M. de Petitière, M. de Beaumont, M. de la Rivière, M. de Berry et plusieurs autres, vieux capitaines et vieux routiers,