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par la vertu de Jésus le Nazaréen ; et, dans l’audace de leur foi, ils le montraient comme la pierre dédaignée par les architectes, devenue, aux mains de Dieu, la pierre angulaire, et comme le seul Sauveur donné aux hommes[1].

Leur parole, leur courage, leur conviction et leur zèle étaient irrésistibles. Ni défense, ni menace, ni fouet, ni chaînes, ni supplices ne les arrêtaient. lisse disaient les témoins du Ressuscité ; et, faisant un appel à la conscience de leurs ennemis, ils ajoutaient que l’Esprit-Saint, que Dieu donne à tous ceux qui lui obéissent, témoignerait aussi de la vérité de leur parole[2].

Cette prédication apostolique est le premier Évangile. Il a jailli de l’âme des disciples immédiats de Jésus, sous l’impulsion du Saint-Esprit. C’est une parole divine : la conscience humaine ne l’a point inventée, elle est l’écho de la parole de Jésus.

Nul n’en peut nier l’antiquité, l’authenticité.

L’historien, habitué à l’évocation des choses du passé, à l’aide des documens, voit les disciples de Jésus réunis dans le souvenir et le culte de leur Maître. Leur union est d’autant plus étroite et plus intime qu’ils sont plus isolés dans un milieu plus hostile. Ils ne sont rien par eux-mêmes et ils n’ont rien. Toute leur force est dans la vertu de Dieu. Toute leur science se résume en un être : Jésus-Christ. Toute leur sagesse est en lui. Tout leur trésor est lui. Toute leur destinée se borne à lui ; et comme de telles choses n’existent que par la foi, la foi est tout pour eux : elle est sans mesure. Leur vie n’est plus à eux ; elle est au Christ[3]. Ils se sentent ses propres membres, et ils ont conscience que nulle énergie, sur la terre ni dans le ciel, ne les séparera de son amour. Jamais on ne rencontrera un phénomène psychologique pareil. Quelque influence que peuvent exercer les hommes supérieurs sur ceux qui les approchent, ils ne parviennent pas à se les assimiler aussi pleinement, ils ne les façonnent que par le dehors, incapables d’infuser leur propre esprit, comme force nouvelle, vivante et personnelle. C’est dans ce cénacle que toute la vie de Jésus a été vécue à nouveau. Comme ceux qu’un grand amour absorbe, les disciples mettaient en commun leurs souvenirs, se racontaient les actes du Maître, se redisaient ses enseignemens et les communiquaient à leurs néophytes. Les moindres détails des derniers jours si émouvans de sa carrière, l’arrestation, le jugement, le Calvaire, toutes ces scènes douloureuses, poignantes, apparaissaient de nouveau. Jamais Jésus n’avait été plus vivant dans leur conscience. C’est le propre de la séparation et de la mort de concentrer sur les absens

  1. Act., III, 14 et suiv. ; IV, 11.
  2. Act., V, 30 et suiv.
  3. Galat, II, 20.