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insolens. Exigez des excuses. Si l’adversaire refuse, vous pourrez l’appeler sur le terrain, le péché retombera sur lui. » Fernand rassuré provoque l’offenseur et le tue, non dans l’intention de rendre le mal pour le mal, mais pour sauver son honneur et défendre sa vie. Escobar lui donne l’absolution et écrit sur ses tablettes :

« Si un gentilhomme se trouve en telle situation que, s’il refuse un duel, on puisse croire que c’est par timidité et qu’ainsi on dise de lui que c’est une poule et non pas un homme, il peut, pour conserver son honneur, se trouver au lieu assigné. »

Pascal sur ce passage intéressera la piété du roi contre ses adversaires, admirant qu’il emploie sa puissance à défendre et à abolir le duel dans ses états, tandis que la piété des jésuites occupe leurs subtilités à le permettre et à l’autoriser dans l’Église.

— Padilla, rebutée par Fernand, peut-être fatiguée de lui, distingue fra Eugenio, vicaire de sa paroisse. Elle le prend pour directeur et lui avoue, sans prononcer de nom, que son cœur brûle d’un amour criminel. Fra Eugenio lui conseille de pieuses lectures, la conduit dans sa bibliothèque et pour combattre les mauvaises pensées, lui prête les oraisons de sainte Thérèse. Padilla, sans rien combattre, revient le lendemain chercher son éventail qu’elle a oublié exprès. Eugenio n’a pas le don de continence. Une heure après, il court chez Escobar se confesser d’un crime. Les bornes sont dépassées, l’indulgence serait forfaiture. Escobar indigné s’échauffe d’un zèle dévot, il lui montre l’enfer entrouvert et lui fait honte de la joie qu’il procure aux démons. Eugenio l’écoute muet et confus. Mais on l’attend pour célébrer la messe. Escobar songe à tout. Le scandale est un mal de plus. Saül n’a-t-il pas dit à Samuel : Honorez-moi devant le peuple. « Cachez, dit-il, votre infamie et la honte de votre fille spirituelle ; je vous donne l’absolution. Vous ne la méritez guère ; mais hâtez-vous. » Et comme Escobar étudie toujours, il écrit sur ses tablettes :

« Un prêtre peut-il dire la messe le même jour qu’il a commis un péché mortel, et même des plus criminels, en se confessant auparavant ? Non, dit Villalobos, à cause de son impureté ; mais Sancius dit que oui, et sans aucun péché ; et je tiens son opinion sûre et qu’elle doit être suivie dans la pratique : et tutu in praxi. »

« Quoi ! mon père, s’écriera Pascal, on doit suivre cette opinion dans la pratique. Un prêtre qui serait tombé dans un tel désordre oserait-il s’approcher de l’autel le même jour sur la parole d’Escobar, et ne devrait-il pas déférer aux anciennes lois de l’Église, qui excluaient à jamais du sacrifice, ou tout au moins pour un long temps, les prêtres qui avaient commis des péchés de cette sorte, plutôt que de s’arrêter aux nouvelles opinions des casuistes, qui les y admettent le jour même qu’ils y sont tombés ? »