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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

La hausse s’est poursuivie avec une régularité telle et un élan si vigoureux sur nos fonds publics, et notamment sur le 3 pour 100 perpétuel, que les imaginations se sont enflammées et que la conquête du pair de 100 francs a bientôt paru une éventualité aussi réalisable et prochaine que l’avait été naguère celle du cours de 90 francs.

Cependant, pour si général que soit le mouvement qui porte toutes les valeurs vers des cours inconnus depuis la période de 1880-1882, le marché de notre 3 pour 100 n’aurait point présenté le spectacle d’un déplacement de prix si extraordinaire, si un concours de circonstances exceptionnelles n’avait donné à la fois force et durée à une poussée hardie de spéculation.

Si singulier que le fait puisse paraître, il s’était formé sur la rente, entre 93 et 94 francs, un découvert d’une importance sérieuse. Les baissiers, après tant d’efforts vains, avaient cru le moment favorable pour une éclatante revanche. Il avait été payé fin juillet des reports à des taux fort élevés. Fin août, au contraire, le report s’est brusquement abaissé jusqu’à tomber au pair, sinon au déport. Dans ces conditions, il ne pouvait plus être question de baisse, et les vendeurs durent se racheter à tous prix. Un fait intéressant venait d’ailleurs de se produire qui favorisait singulièrement l’entreprise des haussiers. Une somme de 80 millions de francs d’obligations sexennaires venait à échéance à la date du 1er septembre. Le remboursement de cette somme n’entrait point dans les prévisions du budget de 1890, ou du moins il devait être compensé par un renouvellement d’importance égale. Or les 80 millions ont été remboursés purement et simplement par le Trésor au moyen d’un prélèvement sur son compte créditeur à la Banque de France, qui s’élevait alors à 269 millions.

La raison de cette opération est évidente. Elle ressort du projet d’emprunt déposé par le ministre des finances le printemps dernier et que la chambre doit discuter à la rentrée. Il s’agit de 700 millions à réaliser par l’émission de rentes perpétuelles 3 pour 100, et qui sont destinés pour partie au remboursement de toutes les obligations sexennaires encore en circulation et au remplacement de celles dont