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qu’il peut, enseigne à les résoudre. Il doit les aborder toutes et ne se scandaliser de rien.

Un vieil autour italien récite le conte d’un curé du moyen âge, gardien sévère des convenances du langage, qui, dans la confession des péchés quels qu’ils fussent, imposait la plus scrupuleuse décence. Assez bon clerc pour savoir que les définitions de mots sont arbitraires et n’espérant rien changer aux choses, il avait attaché à des mots très honnêtes et à des locutions irréprochables un sens convenu qui l’était moins. Les garçons de la paroisse parlaient couramment ce langage et volontiers l’enseignaient aux filles.

L’évêque, en tournée pastorale, voulut, la veille d’une grande fête, taire lui-même la confession. L’absolution ne fut refusée à personne. Le lendemain, il félicitait le curé sur les excellentes mœurs de la paroisse. Ne pouvant croire que monseigneur veuille railler, le bon curé devine la vérité et révèle en latin le sens convenu de quelques mots souvent répétés la veille. L’évêque comprend tout, se précipite dans l’église, arrête d’un geste impérieux le groupe des jeunes filles marchant déjà vers la sainte table, et leur crie : « Doucement ! Piano, piano, giovinette che… » Puis résumant leurs confessions dans la langue claire et précise de Boccace, il ordonne au curé d’appeler à l’avenir chaque chose par son nom.

Il paraît juste de chercher s’il est impossible, quand on s’adresse à des gens dont la perfection n’est ni la prétention ni le but, d’excuser quelquefois la molle indulgence dont s’indigne Pascal. Une action blâmable est commise et avouée, il ne s’agit plus de la conseiller, mais de la pardonner, si le pouvoir de délier le permet. Il est facile d’imaginer quelques exemples.

L’archevêque de Grenade n’est pas un saint. On le dit avare ; il aime les présens et s’en montre reconnaissant. Les fleurs dans le jardin du curé Diego sont les plus belles et les fruits les meilleurs du monde ; son plaisir est de les donner : Monseigneur n’est pas oublié. Un bénéfice devient vacant ; l’archevêque le confère à Diego qui se réjouit avec inquiétude. Ses beaux fruits ont plaidé pour lui ; c’est pour cela peut-être qu’il les envoyait. N’est-il pas simoniaque ? Il consulte le casuiste Valentia qui lui ordonne d’accepter. Dans sa conduite rien ne semble blâmable ; le choix de l’archevêque est excellent ; Diego a porté sur son supérieur un jugement téméraire, c’est le péché dont il veut l’absoudre, et Valentia écrit sur ses tablettes cette note que Pascal lui reprochera :

« Si un présent devient le motif qui porto la volonté du collateur à conférer un bénéfice, ce n’est pas simonie. »

Le bénéfice conféré à Diego est grevé d’une rente viagère en faveur d’un vieux chanoine. Le curé Diego reste fort gêné ; le chauffage de ses serres, l’entretien de ses réservoirs et de ses canaux dépasse