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de faire appel aux influences morales, de raviver l’idée du devoir supérieur aux calculs d’un égoïsme stérile, de raffermir l’organisation et les habitudes de la famille, de rattacher les populations à leur foyer en les fortifiant contre les séductions malfaisantes. Mais quoi ! Ce serait aller contre la politique du jour, et on n’a trouvé jusqu’ici rien de mieux, pour guérir ce mal de stérilité dont on se plaint, que de flatter les instincts qui ont contribué à le créer.

Au fond, d’ailleurs, sans méconnaître la gravité de ce qu’on appelle la « dépopulation » et de ce qui n’est plus réellement que la stagnation, il ne faudrait rien exagérer. Ces problèmes, si complexes, ne sont pas tout entiers dans des chiffres et ne se réduisent pas uniquement à une question de nombre. Si le nombre était tout, la Chine, qui est le plus populeux des empires, serait aussi le plus puissant et le plus civilisé ; heureusement, tout n’est pas là, et, si atteinte qu’elle puisse paraître de cette maladie de la stérilité qui, après tout, n’est pas inguérissable, si tourmentée qu’elle soit par ses partis, la France a toujours en elle-même les élémens essentiels de la puissance. Elle garde la force de son unité nationale, de son sol fertile, de ses habitudes de travail et d’économie. Elle n’a même pas perdu, autant qu’on le dit parfois, son esprit militaire, ce vieil esprit qui ressaisirait si aisément, au premier coup de tambour, nos populations viriles, et il suffirait qu’elle fût bien conduite pour que la France pût le montrer à ses amis et à ses ennemis.

On ne peut pas dire que les grandes affaires aient disparu de l’Europe ; on ne peut pas dire non plus qu’elles soient bien actives par ces temps de vacances dont profitent un peu les gouvernemens et toutes les diplomaties. L’empereur Guillaume II lui-même n’a pas occupé l’Europe de ses actions et de ses voyages depuis sa dernière course en Russie, qui est déjà oubliée après avoir été tant commentée. Souverains, ministres et chefs d’armée sont au repos ou aux manœuvres qui s’exécutent dans tous les pays comme en France. Manœuvres en Russie et en Allemagne, manœuvres en Autriche et en Italie : exercices de guerre, déploiemens militaires partout, — pour protéger la paix, c’est entendu, et au besoin pour la menacer, c’est encore plus clair. On n’en est heureusement pas là pour le moment ; on n’en est pas même aux apparences de complications prochaines, et, si un toast porté ces jours derniers à l’empereur Guillaume dans le Slesvig-Holstein a parlé de « points noirs, » c’était des « points noirs » de l’intérieur qu’on parlait. On en est tout au plus pour l’instant, à défaut d’événemens faits pour émouvoir le monde, aux incidens, qui ont bien d’ailleurs leur intérêt et leur signification, qui se rattachent plus ou moins à ce perpétuel travail des rapports généraux des alliances en Europe.

Que se passe-t-il réellement au-delà des Alpes ? Il est certain que la