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caux ou autres, ne sortent pas bien plus triomphans de l’aventure. On dirait, à entendre certains républicains, qu’ils ont toujours été étrangers aux affaires du boulangisme, que ce n’est là qu’une intrigue réactionnaire. M. Clémenceau et ses amis se lavent les mains de tout : ils n’éprouvent visiblement aucune satisfaction à se souvenir du règne ministériel de M. Boulanger, pas plus que des complicités que M. Henri Rochefort leur rappelle dans les scènes quelque peu révolutionnaires qui ont précédé l’élection de M. Carnot. Ils ne savent plus rien du passé. Voilà qui est fort bien ! Que les républicains ou une partie des républicains se soient arrêtés à un certain moment et n’aient pas voulu suivre l’aventure boulangiste jusqu’au bout, c’est possible, seulement ils ne changeront rien. Ce sont bien, en définitive, les radicaux qui ont fait la fortune du ministre à panache, qui l’ont poussé au pouvoir, qui lui ont tout pardonné, et ses fantaisies et ses fanfares, tant qu’ils ont cru voir en lui un complice de leurs violences, de leurs lois d’exil. C’était le ministre républicain prédestiné dont on ne pouvait plus se passer, M. Clemenceau était son garant. M. Floquet, M. de Freycinet lui-même, refusaient le ministère s’ils ne pouvaient le garder pour collègue. Il a fallu quelque courage à un général modeste, son successeur au ministère, pour ramener à l’ordre ce soldat indiscipliné qui n’avait plus assez des plus grands commandemens. Quand les radicaux se sont arrêtés, quand ils ont voulu parler du « manteau troué de la dictature, » il n’était plus temps, cette popularité était faite ! Et, de plus, qu’on le remarque bien, ce ne sont pas les radicaux seuls qui ont mis la main à l’œuvre boulangiste. Ce sont, à dire vrai, les républicains de toutes les couleurs qui l’avaient préparée à leur manière en créant la situation où cette popularité a pu faire fortune ; c’est par leur politique de secte, de vexations de parti, de prodigalités financières qu’ont été suscités dans le pays tous ces griefs, ces mécontentemens, ces lassitudes, ces dégoûts, qui, à un moment donné, se sont ralliés autour du nom le plus bruyant. De sorte que, si les conservateurs se sont laissés aller à la tentation d’exploiter l’aventure boulangiste, ce sont les républicains qui l’avaient rendue possible. C’est la moralité de cette affaire, si étrangement éclairée depuis quelques jours.

Qu’en faut-il conclure ? S’il y a une chose évidente, c’est que ces divulgations nous font assister non-seulement à la fin du boulangisme, qui paraît bien mort, mais à la liquidation définitive d’une situation où tous les partis ont épuisé leurs passions, leurs imprévoyances ou leurs illusions ; c’est qu’à toutes ces politiques qui ont dit leur dernier mot il ne reste plus qu’à substituer la politique de paix morale et de raison patriotique, que la France réclamait aux élections dernières, qu’elle demande encore.

Après cela, que les partis épuisent leurs ardeurs factices à se dis-