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vres d’automne, qui s’exécutent en ce moment même sur plusieurs points à la fois. Le 11e corps poursuit ses marches et ses évolutions sur les côtes de Bretagne. Le 17e corps se déploie entre Toulouse, les Pyrénées et l’Agenais. Le 18e corps opère sur la Charente. Au nord surtout, l’œuvre militaire s’accomplit dans de plus grandes proportions, avec le concours de deux corps d’armée, sous la direction supérieure de M. le général Billot. Ces manœuvres, qui sont entrées désormais dans les mœurs militaires de l’Europe, ne sont sans doute qu’un exercice de plus, une expérience qu’on pourrait appeler académique, un simulacre de guerre ; elles ont du moins l’avantage de servir à l’instruction des chefs aussi bien que des soldats, de les préparer à la vie de campagne et de donner périodiquement la mesure des progrès de notre armée. Elles sont suivies tous les ans avec une curieuse sympathie par les populations, qui aiment à voir passer cette image vivante de la puissance française, et sûrement, sans faire autant de bruit, elles ont un intérêt plus sérieux que tout ce qu’on peut dire du boulangisme, de ses alliances, de ses menées, de sa fausse grandeur et de sa décadence.

Ce n’est point à la vérité que cet épisode des révélations boulangistes, qui a éclaté dans le calme des vacances, n’ait lui-même son intérêt et son originalité. Il est sûrement aussi original qu’instructif. S’il n’est pas ce qu’on appelle un événement, il peut tout au moins passer pour un gros incident. C’est la liquidation définitive d’une révolution manquée. C’est la divulgation des secrets d’une comédie qui aurait pu un instant devenir une tragédie, dont le pays a failli être la dupe avant d’en être la victime, et qui n’a plus aujourd’hui rien de caché. Tout y est, les intrigues des uns, les illusions et les crédulités des autres, les roueries, les vanités, les négociations équivoques, les complicités inattendues, les marchandages, les fantaisies d’aventure : le tableau est complet ! Que la divulgation à peine commencée ait soulevé aussitôt un tourbillon de polémiques, d’explications, de contestations, de rectifications, oui, sans doute ; ce qu’il y a précisément de plus curieux, c’est que les explications et les récriminations ne font le plus souvent que confirmer ce qu’a dit le divulgateur. Les démentis eux-mêmes ressemblent à des aveux et complètent ou éclairent cette œuvre de confession universelle. Cette histoire bizarre d’une des plus audacieuses et des plus frivoles mystifications du temps reste donc à peu près vraie dans le fond ; elle a aussi sa moralité, malheureusement une assez triste moralité. Elle a surtout cela de frappant, que, si elle dépouille de son dernier oripeau le héros vulgaire de la comédie, elle n’est flatteuse pour personne, ni pour ceux qui ont préparé par leur imprévoyance cette étrange fortune, ni pour ceux qui l’ont servie ou en ont été plus ou moins les complices, ni pour ceux qui ont cru voir dans un personnage de hasard un instrument des destinées de la France. Non vraiment, ni républicains ni conservateurs ne sortent intacts de cette aventure