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et les intrigues qui s’agitaient autour de lui. L’on soumettait à des exercices militaires tous les hommes qui n’étaient point compris dans les catégories d’exemptés ; c’était un progrès considérable réalisé vers l’application du service universel. Les officiers avaient reçu l’ordre de traiter les hommes avec les plus grands ménagemens. Chacun se familiarisait avec le service et la réconciliation de l’armée et de la nation était préparée de la façon la plus pratique. Ces mesures exceptionnelles, ce rapide passage sous les drapeaux, faisaient pénétrer partout la notion exacte de la situation violente de l’État, des devoirs civiques, du rôle de l’armée. Les soldats d’un mois, les Krämper, jouèrent un rôle considérable dans la guerre d’indépendance, et leur appel constitua l’un des élémens les moins apparens peut-être, mais certainement les plus réels du mouvement national.


L’exposé des réformes militaires nous a entraînés jusqu’à l’été de 1808. Les patriotes prussiens étaient alors dans un état d’esprit différent de celui où les avait laissés le traité de Tilsit. Pleins d’espérances et de projets qui devaient se heurter et se briser contre la faiblesse et les méfiances du souverain, ils se croyaient à la veille d’un soulèvement national. C’est sous l’influence de ce premier réveil, avant-coureur de la guerre nationale de 1809, qu’ils réussirent à obtenir la signature de Frédéric-Guillaume III, pour quelques-unes des mesures qu’ils proposaient, et qui se rattachaient à un plan de mobilisation contre la France.

Les résultats qu’ils avaient obtenus étaient minces sans doute. L’accès du corps d’officiers ouvert à toutes les classes sociales, conquête plus théorique que réelle, quelque adoucissement dans la condition du soldat, la suppression du recrutement des mercenaires, et l’échec de tous les projets d’armée nationale, tel était le bilan de la réforme militaire, lorsque la convention de septembre 1808 et la retraite de Stein livrèrent de nouveau la Prusse désemparée à la domination française, et engagèrent la politique prussienne dans une voie nouvelle. Toutefois la nécessité de préparer et d’instruire, par un passage rapide dans les rangs de l’armée permanente, le plus grand nombre d’hommes possible, avait imposé des mesures qui ressemblaient singulièrement à l’organisation d’une milice nationale. Les nécessités nouvelles avaient vaincu, par la force même des choses, la résistance des élémens traditionnels, et les faits avaient une fois de plus triomphé des édits.

C’est un trait frappant de la réforme militaire, un trait où se retrouve toute l’action de la Prusse sur le génie allemand, que l’idéalisme des chefs militaires et leurs conceptions aventureuses