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la société, des docteurs éminens, quelques-uns canonisés par l’Église, aient approuvé celles que l’on condamne avec le plus de force ; que d’autres auteurs, non moins respectés, aient donné l’exemple des scrupules indécens et des doutes ridicules dont Pascal a égayé ses lecteurs ?

À ces questions les admirateurs de Pascal répondent : « Qu’importe ? Ceux que Pascal accuse et dont il nous fait rire sont dangereux et ridicules, il l’a prouvé avec éclat ; je n’ai pas à chercher s’il aurait droit d’en frapper d’autres avec eux. »

Il est permis d’insister : Pascal a-t-il traité cette question que l’on déclare insignifiante ? L’opinion qu’il adopte est-elle contraire à la vérité ? La réponse, cette fois, est délicate. Celui qui répond oui s’expose à être accusé et convaincu de mensonge. Sur de tels sujets, la plus petite inexactitude est redressée brutalement ; on s’écrie en latin : Mentiris impudentissime ; on parle en français d’odieuse calomnie ; c’est l’usage ! Heureux le coupable s’il n’est pas traité de jésuite ! Vous dites que Pascal a posé la question, qu’il a décidé contrairement à la vérité ! Où ? Dans quelle lettre ? A quelle page ? Dans quelle ligne ? Vous ne répondez pas ! Vous vous dérobez ! Vous êtes un calomniateur !

Celui qui, cependant, après l’examen, affirmerait que Pascal n’a ni résolu, ni posé la question, manquerait de bonne foi.

Il en est comme des cinq propositions sur la grâce. Pascal n’affirme pas qu’elles ne sont pas dans Jansénius, mais le lecteur des premières Lettres, s’il a confiance en lui, tient pour certain qu’elles y sont introuvables.

Sur mille lecteurs des Provinciales, c’est par milliers qu’il faut les compter, il y en a mille, ou bien peu s’en faut, qui, faute de s’être informés ailleurs, regardent comme résolue et hors de discussion cette question qu’il ne traite pas. Que l’on veuille bien relire la Ve Lettre, par exemple ; il n’y est pas dit que les jésuites ont introduit la doctrine des opinions probables, mais la question n’y semble pas douteuse. Pascal, après une liste de quarante-huit noms bizarres et inconnus du lecteur, demande si tous ces gens sont chrétiens, puis ensuite s’ils sont jésuites : « Non, se fait-il répondre, mais il n’importe ; ils n’ont pas laissé de dire de bonnes choses ; ce n’est pas que la plupart ne les aient prises ou imitées des nôtres. »

Il est en règle avec la vérité : La plupart les ont prises ou imitées ! Il a dit la plupart ; il y en a donc d’autres, si quelques-uns ont précédé Loyola de plusieurs siècles, si ceux-là sont nombreux, si leurs noms sont illustres dans l’Église, peu importe ; le lecteur est prévenu ; il ne peut, sans se faire impudemment l’avocat des jésuites, se plaindre de l’avoir été si peu. Il est véritable cepen-