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péché, il faut au moins un pécheur ; il est donc juste, dans certains cas, d’absoudre ceux qui, en acceptant ce mauvais rôle, travaillent à l’accomplissement des volontés de Dieu et, par une voie mystérieuse, servent ainsi au bien commun.

Si aucun acteur n’acceptait le rôle du traître, les plus belles tragédies deviendraient impossibles.

« Celui qui a fait vœu de ne jamais toucher femme d’attouchement malhonnête, peut être dispensé de ce vœu par l’évêque. »

« Les évêques, prêtres, moines, ne doivent être mariés. La permission de prendre femme ne peut leur être donnée, encore qu’ils confesseraient n’avoir don de continence. »

C’est le concile de Trente qui prononce ainsi.

« Celui qui a dérobé un bien incertain, c’est-à-dire un objet dont le propriétaire est inconnu, la restitution étant impossible, doit le distribuer aux pauvres ; s’il est pauvre lui-même, il peut le garder. »

C’est l’opinion de Navarrus.

« Une femme qui a reçu argent pour salaire de paillardise n’est pas obligée à restitution, parce que cette action n’est pas contre la justice ; non pas même si elle avait pris salaire outre le juste prix. »

Telle est l’opinion de saint Thomas ; il a négligé de nous dire quel était, au XIIIe siècle, le gain légitime d’une courtisane.

Lorsque Pascal s’écrie : « O mes pères, je n’avais ouï parler de cette manière d’acquérir ! il n’avait pas lu saint Thomas.

C’est saint Thomas également qui dit :

« Pour sauver son honneur, il est permis de tuer un homme, et un gentilhomme doit plutôt tuer que fuir ou recevoir un coup de bâton. »

C’est donc saint Thomas que, sans le savoir, Pascal met en cause quand il écrit :

« Les permissions de tuer, que vous accordez, font paraître qu’en cette matière vous avez tellement oublié la loi de Dieu, et tellement éteint les lumières naturelles que vous avez besoin qu’on vous remette les principes les plus simples de la religion et du sens commun. »

Il est difficile de tout concilier. Judith, que le Saint-Esprit nous fait admirer, est allée trouver Holopherne, elle l’a excité au mal, abusé par des mensonges, et enfin assassiné. Un casuiste doit prévoir tous les cas. Le conseil de suivre simplement les préceptes du Décalogue, en l’absence de tout commentaire, ferait naître bien des difficultés.

« Celui-là n’est pas menteur, selon Navarrus, qui supplée dans son esprit quelque addition mentale sans laquelle il mentirait.