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début de son étude sur le Salon de 1810 qui brilla à côté de l’exposition décennale et parut la compléter. Mais, arrivée à son apogée, l’école officielle menaçait ruine. Déjà de bons juges signalaient les entraves que la copie des plâtres et des marbres apportait à l’éducation des peintres en les éloignant du coloris, les conséquences fâcheuses que l’étude de la sculpture antique, poussée à l’excès, pouvait avoir même pour les statuaires. Ce n’était pas ce qu’avaient à apprécier les jurys des prix décennaux. Ils n’avaient à s’occuper que des talens acquis. Cependant, on était loin de s’entendre sur la valeur des ouvrages exposés ; les dissentimens étaient plus vifs qu’ailleurs dans la commission chargée de les classer. Là encore David se trouvait en présence d’un élément hostile, et il était considérable. La décision qui lui enleva le prix de la peinture d’histoire et qui mit au-dessus du tableau des Sabines le Déluge de Girodet émut l’opinion ; elle était restée dans l’esprit de M. Alaux comme un acte de souveraine injustice. Quoique élève de Vincent, il avait pour David une admiration sincère.

Rempli de droiture, il appréciait sans réserve systématique les ressources que Paris mettait à sa disposition. Il en jouissait avec une certaine facilité qu’il avait de comprendre et d’admirer. Les leçons de ses maîtres le laissaient accessible à un éclectisme conforme aux besoins d’un esprit naturellement ouvert. Il était sensible aux manifestations de l’art quelles qu’elles fussent, pourvu qu’elles répondissent à une certaine idée qu’il avait du caractère et de la beauté.

Les débuts de M. Alaux furent heureux. Admis à l’École dès son arrivée à Paris, il ne tarda pas à s’y placer au premier rang. Nouveau-venu, dès 1808 il était admis à concourir pour le grand prix de Rome, et en 1810, il gagna le prix de la demi-figure peinte qui avait la valeur d’une première médaille. A partir de ce moment, il ne paraît pas avoir travaillé avec la suite nécessaire pour obtenir le prompt couronnement de ses études. Ce fut une faute ; mais elle faisait honneur à son cœur. Les entraves qu’un jeune artiste rencontre dans sa carrière viennent souvent des meilleurs sentimens. M. Alaux avait un frère aîné qu’il aimait tendrement et qui l’avait devancé à Paris. Ce frère l’absorbait. C’était un décorateur habile et entreprenant. Il était fort occupé : car malgré le décret de 1807 qui avait réduit à dix les vingt-quatre théâtres qu’il y avait à Paris, il se brossait encore chaque année un grand nombre de décorations. Il peignait donc pour la scène, et en même temps il était employé par les architectes à des travaux d’intérieur. Il avait des connaissances en perspective et en optique, et son esprit n’était pas moins actif que sa main.

La faveur était alors aux panoramas. Le premier avait été établi à Paris à la fin du siècle dernier par l’Américain Robert Fulton.