Je copie cette exclamation dans un pamphlet du temps. Le malheur des temps, pour l’auteur, c’est une scandaleuse tolérance.
Dès la première année, on vit s’élever de nombreuses critiques. La Première réponse, les Lettres à Philarque, les Impostures, la Bonne foi des jansénistes et enfin la plus célèbre et la plus maladroite de toutes, l’Apologie des casuistes contre les calomnies des jansénistes, dont l’auteur, Pitot, sans adoucissement, sans interprétation et sans réserve, sans distinguer les temps et les circonstances, approuve purement et simplement les maximes et les décisions ridiculisées par Pascal.
Les curés de Paris, ceux de Rouen et de Sens, les évêques et les archevêques d’Orléans, de Conserans, d’Alet, de Pamiers, de Cominges, de Lisieux, de Bourges et de Chalons, publièrent des censures et de sévères condamnations des doctrines défendues par Pitot. La Faculté théologique de Paris porta le même jugement, non sans quelque embarras. L’apologie des casuistes était dirigée contre les Provinciales, et la Sorbonne n’oubliait pas le rôle qu’on lui fait jouer dans les premières lettres. Sans refuser son témoignage à la vérité, elle y ajoute en note : « Au reste, ce livre ayant été fait à l’occasion de quelques lettres françaises envoyées sous le nom incertain d’un ami à un provincial, la Faculté n’entend point approuver en aucune manière lesdites lettres. »
Les jansénistes ne restaient pas en arrière, le parti laissait sagement la parole à Pascal, mais chacun, en répandant les petites lettres, s’employait à accroître l’agitation. La France entière était attentive aux subtilités des casuistes.
Un seigneur des environs de Melun avait appelé les chiens de sa meute : Bobadilla, Vechis, Grassalis, Cubrezza, Lura, Villalobos, Pedrezza, Vorbery et Simancha, feignant, comme Pascal, d’ignorer que ces noms de casuistes appartinssent à des chrétiens.
Le reproche de calomnie et de mensonge était pour les jésuites un mauvais terrain de défense. Les citations de Pascal sont exactes. La vérification était facile alors, elle l’est encore aujourd’hui. Les textes, sauf quelques insignifiantes exceptions, ne sont ni tronqués ni pris à contre-sens. Qui pourrait en douter ?
« Il n’est pas vraisemblable, dit avec raison Pascal, qu’étant seul comme je le suis, sans force et sans appui humain, contre un si grand corps, et n’étant soutenu que par la vérité et la sincérité, je me sois exposé à être convaincu d’imposture. Il est trop aisé de découvrir les faussetés dans des questions comme celles-ci, je ne manquerais pas de gens pour m’en accuser, et la justice ne leur serait pas refusée. »
Pascal allègue sa faiblesse, on peut aujourd’hui alléguer sa force.