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protectorat britannique à Zanzibar et délimite la sphère d’action des deux puissances sur le continent africain. L’Angleterre et l’Allemagne semblent, en définitive, satisfaites de leur œuvre. La négociation avec la France est née justement de ce premier traité, qui avait disposé trop sommairement de Zanzibar. L’Angleterre avait évidemment oublié qu’il y a déjà près de trente ans elle s’était engagée avec la France à respecter l’indépendance de Zanzibar. Une explication, une transaction était pour le moins nécessaire, et si le gouvernement de la reine n’a point hésité à faire appel à la bonne volonté de la France, notre ministre des affaires étrangères, M. Ribot, a su habilement tirer parti de cette situation dans nos intérêts. Il est entré sans subterfuge dans la négociation d’où est sorti cet arrangement qui est connu aujourd’hui, qui a un double objet. La France, sans s’arrêter à un protocole inutile, accepte le protectorat britannique à Zanzibar ; l’Angleterre, à son tour, souscrit définitivement au protectorat français à Madagascar, et, de plus, elle reconnaît « une zone d’influence de la France au sud de ses possessions méditerranéennes » jusqu’au centre de l’Afrique, jusqu’au Niger. Tel qu’il est, cet arrangement nouveau suffit aux intérêts des deux pays. Le Portugal, enfin, sera-t-il également satisfait du traité qu’il va maintenant avoir avec l’Angleterre ? Ce traité, qui causera peut-être au premier instant quelque mécompte à Lisbonne, a du moins l’avantage de clore un différend délicat, en laissant encore à la domination portugaise une zone assez étendue.

Quels qu’ils soient, ces divers traités que l’Angleterre vient de négocier avec succès, qui se touchent sans se confondre, ont un même caractère : ils ont pour objet de créer une situation nouvelle, en délimitant avec une apparence de précision la sphère d’action des divers états engagés sur le continent africain. Après cela, il n’y a pas à se faire illusion et lord Salisbury restait dans la réalité des choses en disant récemment qu’on disposait, après tout, de régions qu’on n’avait jamais explorées, que « bien des années et peut-être plusieurs générations passeront avant que l’influence française ou anglaise y ait pénétré. » On règle les difficultés du moment ; le reste est l’affaire de l’avenir, qui se moquera peut-être de tous les traités et de toutes les ambitions.


CH. DE MAZADE.