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ressentent peut-être un peu de la saison et suivent provisoirement leur paisible cours sans accident. Le parlement anglais, le dernier parlement du continent qui fut encore en session, a pris ces jours passés à son tour ses vacances pour trois mois. Il a été clos par un discours de la reine qui n’a rien de nouveau, qui serait le plus pâle et le plus insignifiant des discours, s’il n’avait eu à constater l’heureux dénoûment de deux ou trois affaires diplomatiques qui ont eu leur importance dans ces dernières semaines. C’est la partie la plus sérieuse ou la plus caractéristique de cette terne harangue de clôture. A dire vrai, ce n’est pas dans l’exposé de sa politique intérieure que le ministère de lord Salisbury aurait pu triompher. Il n’avait rien à dire de bien réconfortant. Cette session qui finit a été pour lui à la fois laborieuse et stérile. Il ne peut se dissimuler que les élections partielles qui se succèdent depuis quelque temps révèlent un retour assez sensible de l’opinion vers les libéraux toujours conduits au combat par le grand vieillard, M. Gladstone, et plus on va, plus ce mouvement menaçant pour le cabinet de lord Salisbury semble s’accentuer. Dans le parlement même, où il a cependant une majorité par l’alliance des libéraux unionistes, le ministère, au courant de la session, n’a plus d’une fois échappé à des échecs et n’a réussi à garder l’appui de ses alliés qu’en jetant du lest, comme on dit, en ajournant ou en modifiant quelques-uns de ses projets les plus essentiels : et les lois agraires d’Irlande, et la loi sur les cabarets, et la loi sur les dîmes dans le pays de Galles. Le ministère anglais n’est peut-être pas en péril pour le moment, tant que l’Irlande est là pour retenir les libéraux-unionistes qui sembleraient assez disposés depuis quelques mois à reprendre leur liberté ; il reste malgré tout dans une position critique, et il a devant lui la perspective de difficultés nouvelles pour la session prochaine, à moins que dans l’intervalle il n’ait réussi à raffermir sa position. C’est par sa politique intérieure qu’il est vulnérable et menacé ; il ne reprend ses avantages que par sa politique extérieure, par ces quelques négociations qu’il a récemment conduites avec l’Allemagne, avec la France, avec le Portugal, et dont le discours de la reine annonce le succès comme une bonne nouvelle.

Ces négociations ont cela de curieux qu’elles mettent en jeu toutes les politiques pour un objet lointain, insaisissable, qui n’a pris que depuis quelques années une sorte d’importance nouvelle ; elles ont cela d’utile qu’elles en finissent, autant qu’on en peut finir avec des conflits toujours possibles dans ces contrées de l’est et du centre de l’Afrique, ou toutes les compétitions européennes se rencontrent désormais. Le premier acte de cette œuvre de diplomatie a été le traité anglo-allemand, qui est aujourd’hui un fait accompli, sanctionné par le parlement de Londres, qui cède Héligoland à l’Allemagne, établit le