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LA MINGRELIE
ET LES
ROMANS CAUCASIENS
DE M. LE BARON DE SUTTNER

C’est un fort beau pays que celui qui s’étend de la Mer-Noire à la mer Caspienne et que borne au nord le Caucase, au sud la chaîne arménienne où trône le Grand-Ararat. Arrosée à l’ouest par le Rion, à l’est par la Koura, qui reçoit les eaux rapides de l’Araxe, cette contrée, où l’on trouve des sites enchanteurs et, selon l’altitude, tous les climats, celui de Rome et celui de Chamonix, est aussi curieuse que belle. Sur une étendue de près de 22 millions d’hectares elle ne compte guère que 5 millions d’habitans, et ces habitans offrent les types les plus divers. Il semble que tous les peuples se soient donné rendez-vous au pied du Caucase ; nulle part la faune humaine n’est plus variée. La Transcaucasie est un grand couloir et le chemin le plus direct pour passer du plateau de l’Iran en Europe. Elle n’a joui de son indépendance qu’à de rares intervalles ; elle a obéi jadis à Alexandre, à Mithridate, aux Bagratides d’Arménie, puis aux Arabes, aux Turcs Seljoucides, aux fils de Gengis-Khan, aux Tartares de Tamerlan. Les Sophis de Perse et les Turcs ottomans se la partagèrent ; depuis le commencement de ce siècle elle appartient au Russe. Presque tous les envahisseurs y ont laissé quelque souvenir de leur passage, quelque échantillon de leur race, et, sans se confondre, tous ces dépôts, toutes