Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a un personnel plus coûteux, mais supérieur à celui de ses rivales, sinon comme discipline, du moins comme habileté de main. Nos filateurs pourront alors ne plus se contenter de filer les soies françaises et lutter avec les Italiens pour le travail des cocons étrangers, qui entrent aujourd’hui en proportion insignifiante dans leurs approvisionnemens.

Nous avons expliqué comment la soie filée n’offrait pas un fil assez fort, assez homogène, pour subir avec succès les opérations de la teinture. Pour en faire un fil susceptible d’être teint, il faut tordre le fil grège. L’usine où l’on tord la soie grège s’appelle moulinage. Les opérations que la soie y subit, sont : le dévidage, le purgeage, le doublage et le tordage. Elles n’ont pas seulement pour but de tordre la soie, mais de la nettoyer, de l’ébarber, d’enlever toutes les aspérités, côtes, bouchons, que présente la grège. La soie qui a subi l’ouvraison, c’est-à-dire a passé par le moulinage, peut offrir des aspects différens. Elle est une trame si elle n’a que 80 à 150 tours au mètre, et servira à garnir le tissu, à le gonfler. Elle est un organsin si, après avoir tordu la grège, on double les fils et on les tord une seconde fois. L’organsin est plus fort que la trame, il est employé pour la chaîne de l’étoffe, c’est le support qui donne la résistance. Le satin, le velours, la grenadine, sont des apprêts différens où le filage et la torsion ont plus ou moins de tours.

Un moulinage bien outillé exige une série d’appareils plus compliqués et plus coûteux que ceux d’une filature. Son personnel a besoin de grandes qualités d’attention et de discipline pour surveiller les écheveaux de grège qui se dévident sur les tavelles, qui passent ensuite sur des purgeoirs en acier, destinés à nettoyer et à régulariser la soie, puis vont se tordre sur les fuseaux et se redévider sur la roquette. Le capital de premier établissement est plus important pour le moulinage que pour la filature. Il est vrai que le premier travaille généralement toute l’année, tandis que la filature ne travaille guère qu’après la récolte ou du moins subit une longue morte saison. Enfin le moulinage a la ressource d’ouvrer les grèges étrangères qu’on lui donne à façon ou qu’il achète. C’est grâce à ces conditions plus favorables que nos moulinages ont pu résister avec un succès relatif aux épreuves qu’ils ont traversées. Ils produisent encore plus de 3 millions de kilogrammes de soie. Le syndicat général des mouliniers parle même de 4 millions de kilogrammes. Cette production se serait développée encore davantage si les tissages n’utilisaient aujourd’hui directement la soie grège dans nombre d’étoffes où son usage était inconnu avant l’invention de la teinture en pièce.

La statistique officielle pour 1888 donne les chiffres suivans pour