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d’obtenir de bonnes races en choisissant les œufs les plus sains, il faut perfectionner toutes les conditions d’habitation et de nourriture du ver pendant les trente-deux jours de sa vie qui précèdent la transformation en chrysalide. Il faut surtout ne pas se décourager parce que, pendant plusieurs années, les perturbations atmosphériques se seront succédé nombreuses et violentes et auront cruellement éprouvé les éducations. Les sériciculteurs italiens ont depuis trente ans éprouvé les mêmes désastres que les nôtres. Nos plus mauvaises années, celles de 1873, 1876, 1879, ont été encore plus redoutables pour nos voisins. De 1888 à 1889, la production italienne a subi une perte de plus de 8 millions de kilogrammes de cocons. Les gelées célèbres qui ont atteint nos mûriers, et par contre-coup notre élevage, ont sévi des deux côtés des Alpes avec une intensité presque égale. Il en a été de même des crises commerciales. Notre production a d’ailleurs partagé presque toujours depuis vingt ans les marches ascensionnelles ou décroissantes de la production italienne, ainsi que l’a établi M. Natalis Rondot dans un graphique des plus frappans. Les conditions climatologiques et commerciales des deux industries sont en réalité presque constamment identiques ; seulement pendant que la sériciculture italienne lutte avec confiance et ténacité, la nôtre, plus exigeante et plus désorientée, se décourage facilement, ainsi que le démontre la diminution du nombre de nos éleveurs, qui, de près de 300,000 en 1868, est tombé en chiffre rond à 150,000.

Il n’est cependant pas exact de dire que l’élevage ne puisse plus être fructueux, puisque, si le prix du kilogramme de cocons est tombé, dans ces quinze dernières années, de 4 fr. 70 à 3 fr. 50, le rendement moyen de l’once de graines s’est élevé de 18 à 34 kilogrammes. L’once de graines qui, en 1875, rapportait 80 à 90 francs, donne aujourd’hui 130 francs. On a vendu des soies françaises, en 1889 et en 1890, à 4 fr. 10, 4 Ir. 50 et 4 fr. 70. Sans doute, si la production absolue s’est élevée, il se peut qu’en raison du prix de la feuille de mûrier et de celui de la main-d’œuvre, le bénéfice soit relativement plus faible, bien que depuis quinze ans ces deux conditions du prix de revient n’aient pas dû beaucoup changer. Mais il s’en faut que le rendement de l’once de graines ait atteint, en France, ce qu’on peut espérer.

Il est établi en effet que, dans certains districts français et italiens, grâce aux soins apportés à la sélection des races, à leurs croisemens, à la conservation des œufs pendant l’été et l’hiver, à l’aération et à la température des magnaneries, au choix de la feuille suivant l’âge des vers, le rendement s’est accru dans des proportions considérables. Dans les provinces des Marches et de l’Ombrie, dont le climat est à peu près le même que celui de nos