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magnaneries, la découverte de l’alizarine n’avait pas tué la garance ; la vigne, qui ne connaissait pas le phylloxéra, donnait des récoltes superbes. Le petit propriétaire provençal, languedocien et dauphinois possédait une terre bénie et avait pris des habitudes de luxe et de bien-être ignorées ailleurs.

Tous les fléaux se sont abattus sur lui en même temps : la pébrine et la flacherie, le phylloxéra et le mildew. Il a été découragé, abattu ; incertain de ce qu’il devait faire, il a d’abord arraché le mûrier, ce mûrier qu’il entourait autrefois d’un véritable culte, qu’il appelait l’arbre d’or. Il a arraché les mûriers pour planter des vignes ; puis, plus tard, il a arraché ses vignes pour planter des fruitiers ou se livrer à la culture maraîchère. Là où il n’a pas arraché les mûriers, il leur a donné moins de soins, il les a laissés en bordure comme arbres à bois et à pâture, plantant à leurs pieds des céréales ou des herbes fourragères, leur demandant peu de chose, mais ne leur donnant rien. Il en est résulté que les plantations de mûriers ont diminué non-seulement comme nombre de plants, mais aussi comme qualité. Beaucoup d’arbres conservés sont trop vieux et ont une feuille mauvaise. Devenus plus faibles, ne recevant plus les engrais nécessaires, ils ont moins bien résisté aux parasites, aux insectes, aux champignons, aux intempéries, à la gelée et à la sécheresse. Leurs feuilles n’ont plus les qualités nutritives ; elles sont siliceuses au lieu d’être azotées. De nouvelles plantations ont bien été faites ; mais sur plusieurs points les arbres ont été plantés trop serrés, ailleurs on les a mis dans des terrains trop pauvres ou mal exposés. De plus, les effeuillemens sont souvent pratiqués trop tôt et trop largement, quelques jours seulement après l’ouverture des bourgeons. L’arbre est ainsi arrêté dans son développement, alors qu’avec des pépinières, ainsi que l’a justement fait observer M. Fougeirol, on pourrait avoir sur un moindre espace la quantité de feuilles nécessaire à la première période de l’éducation, n’effeuiller les mûriers qu’à un moment moins redoutable pour leur végétation. Bref, on peut affirmer que notre-réserve de mûriers est tout à fait insuffisante comme quantité et comme qualité, et qu’elle est très mal distribuée géographiquement.

Obtenir à meilleur marché la feuille de mûrier, qui représente aujourd’hui plus de la moitié du prix de revient des cocons, n’est pas le seul problème qui s’impose à la sériciculture française, si elle veut retrouver son ancienne prospérité. Il lui faut améliorer ses méthodes d’éducation pour diminuer l’action des intempéries et des maladies parasitaires, qui sont le double fléau sous lequel succombent le plus souvent les vers producteurs. Il ne suffit pas