la tentation, Dieu n’intervient que pour juger. La grâce n’existe pas. C’est la doctrine stoïcienne, c’est aussi celle de Pelage, qui n’en disconvient pas.
On peut, à ce système absolu, apporter des adoucissemens. La prière et les élans vers Dieu rendent la victoire indécise. Les uns demandent à être délivrés de la tentation, et elle est allégée pour eux. Ils se renouvellent dans l’amour de Dieu et implorent des forces, qui ne leur sont pas refusées. La lutte n’est pas évitée ; le triomphe est toujours pour la plus forte des deux délectations, mais l’homme peut, à son gré, les diminuer ou les accroître.
La grâce intervient. Est-elle donnée à tous ? est-elle suffisante ? quelles sont les limites de son efficace ? quelles occasions la font naître ? quels mérites l’accroissent ? quelles négligences la diminuent ? Ces inépuisables sujets de dispute ont ému de grands personnages ; Pascal en égaie le lecteur de ses premières Lettres, sans se donner la tâche périlleuse de l’instruire.
L’observation de l’âme humaine, j’oserai le dire au risque de proférer une hérésie, aurait pu rendre évidente la première des propositions de Jansénius : Quelques commandement sont impossibles aux justes.
Il est à peine croyable qu’on l’ait si souvent discutée sans la préciser. La distinction entre les commandemens éclaircit tout. Le commandement : « Vous ne déroberez point ! » n’est impossible à aucun juste. La raison en est simple : celui qui y manque n’est pas juste.
« Vous ne porterez pas de faux témoignage ! » est un commandement de même sorte. Celui dont cette prescription surpasse les forces mérite le mépris. Lorsque le Décalogue dit, au contraire : « Vous ne désirerez point la maison de votre prochain, vous ne désirerez point sa femme, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune de toutes les choses qui lui appartiennent, » il ne saurait suffire, pour obéir à la loi, de s’éloigner en détournant les yeux. Il est dit : « Vous ne désirerez pas ! » Le précepte est difficile. La rébellion qu’Adam n’a pu réduire est héréditaire, punition, suivant Jansénius, et vice d’origine ; vérité constatée, au moins, par l’expérience universelle.
Le stoïcien savait, quelle que fût la passion contraire, accomplir un acte prescrit, s’abstenir de celui que la vertu défend. Ces conditions, dans l’antiquité, étaient requises pour faire un sage. L’ostentation aidait à la vertu. Nous ne valons, aujourd’hui, ni beaucoup mieux ni beaucoup moins. Mais qui pourra, pour maîtriser ses désirs, imposer silence à ses pensées ?
Blaise fait plus que son devoir, prend de l’argent au change pour secourir les pauvres, se ruine en aumônes, devient pauvre