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proposées et surtout de celles qui peuvent atteindre directement nos grandes industries de la fabrication des étoffes.

De toutes nos industries textiles, l’industrie de la soie est assurément celle qui fait le plus d’honneur au travail français et qui contribue dans la plus large mesure à maintenir au dehors le renom de nos fabricans et de nos ouvriers. Son empire est universel. Ses étoffes, ses dentelles et ses rubans, ses tissus les plus modestes comme les plus riches, ont pour clientèle le monde entier, et aucune de ses rivales européennes ne conteste sa suprématie.

Nos industries de la soie ne sont point seulement une des gloires de notre France laborieuse, elles font vivre une part considérable de notre population, près de six cent mille ouvriers, cultivateurs, fabricans, commerçans et artistes. Le mot de soie évoque, pour le grand public, les seuls noms de Lyon et de Saint-Étienne, et l’on croit communément que ces deux grands centres représentent à eux seuls nos industries de la soie. C’était déjà inexact il y a plus d’un siècle, c’est encore plus contraire à la vérité aujourd’hui.

Notre sériciculture, malgré sa décadence, donne encore du travail pendant un mois et demi de l’année à cent cinquante mille personnes, femmes et jeunes filles, de nos départemens du sud-est. Dans la même région et dans quelques départemens du centre, du nord et de l’est, la filature et le moulinage occupent plus de cinquante mille ouvriers et ouvrières. Quant aux tissages français qui emploient la soie, ils font vivre une population énorme dont Lyon et Saint-Etienne représentent à peine un tiers.

M. Pariset, dans son remarquable ouvrage sur les industries de la soie, évalue à plus de 230,000 le nombre de nos métiers pour étoffes, rubans, passementeries, lacets, galons, tapis, tentures, tulles, gilets, bas de soie, tissus de bourre, etc. Le plus grand nombre de ces métiers sont dispersés dans la vallée du Rhône et de la Loire, autour de Lyon et de Saint-Étienne, mais il y en a un nombre considérable d’éparpillés à Paris, Calais, Saint-Pierre-lès-Calais, Roubaix, Lille, Amiens, Tours, Caen, Crépy-en-Valois, Bohain, Troyes, Saint-Omer, Toulouse, Remiremont, etc. Si l’on ajoute aux tisseurs les ouvrières qui préparent les fils, les dessinateurs, les teinturiers, les imprimeurs, les apprêteurs, les marchands, les commissionnaires, les mécaniciens et fabricans de métiers, on trouve une population de plus de trois cent cinquante mille personnes. On ne dépasse donc pas la vérité en évaluant à plus de six cent mille le nombre des Français produisant la soie, la filant, la dévidant ou la faisant circuler au profit de la richesse nationale, qui reçoit annuellement du fait de ces industries plus de 700 millions de francs.