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et anglaises. L’objet de cette machine centralisée, géante, n’est pas d’instruire l’élite, le petit nombre, comme en Angleterre, mais bien de donner à la multitude une doctrine uniforme. En cela, l’Université répond parfaitement à son but : mettre une éducation libérale à la portée de la classe moyenne dans tout le pays.

La France, en matière d’enseignement, est gouvernée, depuis la renaissance, par les principes d’éducation classique, latine et grecque. C’est un point très controversé, de savoir si ce programme répond aux exigences de la vie contemporaine, de la civilisation économique et industrielle. Les Français voyagent, émigrent, colonisent moins que les autres peuples, eux si colonisateurs autrefois, et qui ont laissé perdre une partie de leur empire au siècle dernier, en faisant de la philosophie abstraite : — l’enseignement universitaire, d’après les novateurs, l’étude insuffisante des langues, des littératures, des institutions de l’étranger, en est, pour une certaine mesure, responsable.

Les deux parties de notre enseignement que M. Hillebrand considère comme absolument supérieures et sans rivales, sont celles qui présentent le plus d’affinités avec notre caractère logique, déductif, aimant la clarté, épris des belles ordonnances, c’est-à-dire les mathématiques et la rhétorique. Par son culte de la forme, la France a été l’institutrice de l’Europe. Il peut y avoir en cela même exagération et excès ; la première question qu’un Français est tenté de se poser à propos d’un ouvrage est la suivante : « Comment est-il écrit ? » Ces autres questions non moins importantes : « Comment est-il pensé ? Comment est-il senti ? » ne viennent qu’en second lieu. L’Université, du moins, entretient chez les Français cette piété de leur langue, plus marquée que chez tous les autres peuples. Voilà ce qu’ils ont sauvé du naufrage de leurs traditions.

Une tendance de notre enseignement secondaire que critique M. Hillebrand, — c’est qu’il a moins pour but de développer l’esprit, de donner le goût des bonnes méthodes, qui servent à travers la vie, que de procurer des connaissances positives. Ces connaissances, on les acquiert moins, pour elles-mêmes, pour satisfaire la curiosité de l’esprit, que pour obtenir des prix, être le premier de la classe, briller dans les concours, et passer l’indispensable baccalauréat. Dix années s’écoulent sur les bancs du collège, en vue de cet examen si décrié où le candidat est interrogé pendant un quart d’heure sur le grec et le latin, les langues vivantes, la littérature française, l’histoire, la physique, la chimie, les mathématiques, bref sur la science universelle. Enfin l’abus des concours, à l’entrée de toutes les carrières, indique que l’on