vous le criez, ou une doctrine hérétique, comme les constitutions le déclarent. »
Les disputes, cependant, sur le fait aussi bien que sur le droit, se prolongèrent pendant plus d’un siècle. On ordonnait, au nom de l’obéissance, de croire à la présence des propositions dans Jansénius. C’était reculer la difficulté, car on disputait alors sur le degré de croyance exigé. L’archevêque de Paris déclarait, pour ôter tout scrupule, qu’il n’exigeait pas à cet égard une foi divine ; il permettait de croire les faits affirmés par l’Église, quoiqu’ils soient publiés dans les mêmes chaires, avec moins de certitude que les vérités catholiques. L’intention était bonne, mais la concession était bien faite pour embrouiller la question et rendre les controverses plus subtiles.
Nous n’espérons pas résoudre la question de fait, essayons seulement, — la tâche est difficile, — de marquer le centre et le nœud du dissentiment sur le fond.
Pierre est croyant, il aspire au paradis ; s’il en est autrement, il sera damné, nous n’avons pas à nous occuper de lui. Il traverse un jardin, il voudrait y cueillir les fleurs qu’il trouve si belles à la vue, goûter à ces fruits qu’il devine si doux au goût ; il n’ignore pas que Dieu défend le vol. Deux influences se combattent dans son âme. Que faut-il penser de cette lutte ? Le jardin, c’est le monde ; les fleurs, tout ce qui nous plaît ; le fruit défendu, tout ce que nous aimons.
La question est grave ; elle porte sur la part qu’on doit faire à la liberté de l’homme et à la prescience de Dieu. Les théologiens les moins subtils et les moins profonds, les plus raisonnables peut-être, disent : Pierre, comme Hercule autrefois, peut prendre le bon ou le mauvais parti. Dieu le jugera d’après ses actes. Celui qui suit cette idée si simple est pélagien et hérétique. Il oublie qu’il a été dit : « J’ai aimé Jacob et j’ai haï Ésaü. « Il enlève, aux justes qui tombent, la grâce sans laquelle on ne peut rien, brave l’anathème de vingt conciles, anéantit la grâce de Jésus-Christ et détruit la morale de l’Évangile pour rétablir celle du paganisme. Les conséquences ne vont pas moins loin, selon Jansénius.
« On a remarqué, dit Jansénius dans sa brillante préface traduite par Sainte-Beuve, et c’est le caractère singulier et propre de cette hérésie, qu’il existe une telle connexion entre toutes les erreurs du pélagianisme, que, si on épargne une seule des plus minces fibres et des plus extrêmes, et perceptibles à peine aux yeux de lynx, une seule petite racine d’un seul dogme, bientôt toute la masse de cette erreur serpente, toute la souche, avec la forêt de rameaux empestés, reparait et s’élance ; de sorte que, si vous donnez un brin à Pelage, il faut tout donner ; que si, trompé par le fard de