toute différente de celle que ces mêmes termes font dans son livre. » Sur celle-là même, par conséquent, on ne réussissait pas à s’entendre.
« Si la curiosité me prenait, dit Pascal, de savoir si les propositions sont dans Jansénius, son livre n’est ni si gros ni si rare que je ne puisse le lire en entier pour m’en éclaircir sans en consulter la Sorbonne. »
Ni si rare, ni si gros ! Pascal ne l’a pas lu. Mille pages à deux colonnes, de soixante-quinze lignes chacune, formeraient vingt volumes aujourd’hui. Pascal aurait pu lire le livre de Jansénius, personne n’en saurait douter, mais il est certain qu’il ne l’a pas fait. « Si je ne craignais, dit-il, d’être téméraire, je crois que je suivrais l’avis de la plupart des gens que je vois qui, ayant jusqu’ici cru sur la foi publique que ces propositions sont dans Jansénius, commencent à se défier du contraire par le refus bizarre qu’on fait de les montrer, qui est tel que je n’ai encore vu personne qui m’ait dit les y avoir vues. »
Le refus de montrer dans l’Augustinus quatre des cinq propositions condamnées n’est bizarre qu’en apparence. Leur esprit imprègne tous les chapitres sans qu’on puisse les rencontrer dans aucune phrase. Louis XIV, mécontent du trouble de l’Église, irrité par l’agitation des esprits, inquiété par des rumeurs de grande conséquence pour la religion, voulut, plusieurs années après, se renseigner sur la question de fait, toujours discutée. Croyant, lui aussi, la chose très facile, sans s’informer de la grosseur du livre de Jansénius, ni de la compétence du comte de Grammont, il lui ordonna de le lire. La faveur était grande. Le comte s’inclina, reconnaissant et joyeux ; il feuilleta probablement l’Augustinus et déclara, quelques jours après, que si les propositions s’y trouvent, elles y sont incognito. Le mot fit fortune ; mais son auteur, dès lors, avec raison sans doute, fut soupçonné de jansénisme.
Bossuet savait mieux lire et mieux chercher. « Je crois, dit-il, que les propositions sont dans Jansénius et qu’elles sont l’âme de son livre. Tout ce qu’on a dit de contraire me paraît une pure chicanerie. » Fénelon est plus affirmatif encore : « La prétendue question de fait est une illusion grossière et odieuse. Personne ne dispute réellement pour savoir quel est le vrai sens du texte de Jansénius. Jamais texte ne fut si clair, si développé, si incapable de souffrir aucune équivoque. Le même système saute aux yeux et se trouve inculqué presque à chaque page. Il ne s’agit que du point de droit ; savoir si ce système, plus clair dans le livre que les rayons du soleil en plein midi, et que les deux côtés y reconnaissent également, est la céleste doctrine de saint Augustin, comme